Le gouvernement de gauche fait beaucoup de choses contre lexclusion. Presque autant que pour lexclusion ! Dailleurs, on ne sait plus car derrière des propos contre lexclusion se cachent des propos légitimant lexclusion : cest ainsi que Jospin a pu refuser laugmentation des minima sociaux car il est pour une société du travail et leur augmentation accroîtrait lexclusion. Comme si lassistance n'était pas la seule chose que savent faire les profiteurs depuis toujours pour s'éviter le spectacle de leur ignominie et éviter une révolte toujours possible.
On ne sait plus car derrière une loi contre lexclusion se cachent des mesures pour lexclusion. Ainsi la récente loi Aubry sur lexclusion en offre un saisissant exemple. On y trouve le catalogue sempiternel et ministériel de mesures sociales qui sont autant deffets dannonces et dincantation quil vaut mieux les oublier comme on a pu oublier les récentes mesures sur lexclusion (plutôt que contre) de Douste-Blazy en 1994, Kouchner en 1992 ou encore du gouvernement Rocard en 1990.
Alors quy trouve-t-on dautre qui marquerait la puissance de loriginalité de ce gouvernement ? Le RMI à 5 000 F ? Non. Une amélioration pour les quelques 6 millions de personnes qui vivent des minima sociaux avec 2000 F de moyenne par mois ? Non. Pourtant, iI y aurait matière à lutter : les 10 % les plus pauvres perçoivent 1,2 % du revenu disponible après impôts en France alors que les 10 % les plus riches perçoivent 31 % de ce revenu disponible après impôts (chiffre du SNUI syndicat national unifié des impôts).
Alors peut-on y trouver quelque chose de novateur ? Oui, iI y a une innovation. Mais cette innovation est terriblement antisociale et fait de cette loi une véritable mesure pour lexclusion : il est question que le RMI devienne une allocation dégressive pendant 6 mois qui sajouterait au salaire perçu à partir de lembauche. Lidée de base des socialistes (mais nayant pas entendu un communiste ou un Vert pester contre cette disposition, on peut dire du gouvernement) est quil faut encourager les pauvres (qui le sont devenus à cause des politiques dassistance au patronat quils mènent !) à travailler car actuellement les minima sont trop forts et la différence entre un RMI de 3 000 F et un salaire de 3000 F à temps partiel ou de 5 000 F est trop faible. On vérifie à quel point les idées libérales et antisociales sont devenus intimes à ce gouvernement. On comprend le consensus d'horreur quil y a à évoquer laugmentation de tous les minima sociaux de 1 500 F !
Ainsi, la loi permettrait de garder par exemple 1 500 F de RMI en plus dun salaire. Mais de quel salaire parle-t-on ? Du salaire qui serait donné à un non RMIstes ou dun salaire pour RMIstes ? Étant donné que le patron sait nécessairement que la personne est RMIiste, que va-t-il lui proposer ? Ou, plutôt, que lui permet-on de proposer si ce nest un salaire de 3 500 ou 4 000 F qui sera utilement complété par l'État dont la providence serait (pour une fois) la bienvenue.
Nous voyons ici que les largesses de l'État à l'égard du patronat nont pas de limite dans leur justification, y compris celle de lutter contre lexclusion. En fait, cest une subvention déguisée à ce patronat qui ne vilipende l'État que quand iI distribue notre argent à dautre que lui. Et encore un coup dallégement du coût du travail, histoire de dire que les minima sociaux empêche de travailler. Encore une aubaine pour ce patronat qui sera trop pressé de se séparer de ce personnel une fois que la participation de l'État aura disparu et quil faudra le payer au prix des salariés traditionnels.
Ce gouvernement semble être le spécialiste des pseudo-mesures qui libèrent pour mieux enfermer par la suite. Cest le cas des 35 heures comme de ce RMI dégressif Dailleurs, le baron du CNPF ne sy est pas trompé qui est allé voir Aubry vendredi 17 avril pour lui proposer de l'étendre à dautres salariés dans certaines branches. Il propose que dans le tourisme, la restauration et les bâtiments publics, des accords permettent de généraliser cela . pour soutenir lemploi !
Ne voit-on poindre lallocation universelle, version libérale ? Cette idée supposée de gauche, à voir comment la gauche associative, CFDT, intello façon Minc sest jetée dessus, qui vise à baisser radicalement le coût du travail en faisant porter une partie de la rémunération de tout salarié par l'État, cest à dire les autres salariés ? Au lieu de supprimer le SMIC, ça ferait moche, pourquoi pas 1500 F pour tous grâce à cette allocation et 3 500 F de salaire payé par le patron ! Il est clair que le patronat est prêt à être de gauche à cette condition ! La confusion est admirablement entretenue avec une allocation universelle qui serait le substitut intégral du salaire et par là même du salariat dans une société ou nous serions enfin débarrassée de loppression capitaliste. Ce petit exercice de partage, pas catholique du tout, permettrait ainsi de distribuer un revenu de 12 000 F à toute la population aujourd'hui (le PIB distribué entre tous égalitairement). Ou tout simplement avec lidée daugmenter les minima sociaux de 1 500 F de façon à ce que plus personne ne vive avec moins de 5 000 F par mois, ce qui pourrait alors être considéré comme une allocation universelle. Mais iI ne me semble pas avoir vu le baron demander cela en février, ni, dailleurs iI faut lui en rendre grâce, Aubry le lui proposer !
Le pire, cest que tout cela semble passer inaperçu puisque la gauche officielle et les associations caritatives sont daccord. Il suffit de les mettre en situation de cogestion de la misère pour que celles-ci se contentent de leur reconnaissance. En attendant, les 6 millions de gens qui se contentent de minima sociaux attendent la leur de reconnaissance ! Quils nattendent pas trop car celle-ci ne viendra que par la force quils sauront représenter à linstar du mouvement des chômeurs.