Depuis début mai, les services de sécurité ukrainien intimident et répriment le groupe Initiative anarchiste Tigra Nigra de Kiev et le mouvement écologiste radical Rainbow Keepers (les gardiens de lArc-en-ciel). Ces intimidations ont commencé juste avant la réunion à Kiev du sommet de la Banque européenne de reconstruction et de développement. Des sommes colossales ont été dépensées pour le " toilettage " du centre ville, pour laménagement d'hôtels de luxe ou pour lachat dautobus destinés aux milliers de financiers attendus. Avec dautres organisations, comme Rainbow Keepers, Tigra Nigra prévoyait une manifestation le 9 mai 1998 devant le centre de réunion de la BERD : protestation contre les sommes énormes dépensées alors que le gouvernement na soit disant pas dargent pour payer les salaires et que les étudiants " méritants " reçoivent une bourse de 6 dollars/mois, protestation contre la BERD qui se présente comme une banque humanitaire alors quelle nest quune banque daffaires, et enfin contre le financement de la centrale de Tchernobyl (même si ce financement a été suspendu pour non respect par la partie ukrainienne des clauses du contrat, lusine nest toujours pas fermée). Depuis des semaines, le pouvoir menait une opération " ville propre " pour le sommet ayant débarrassé le centre ville des SDF et des chiens errants, ils sont passé aux possibles " fauteurs de troubles ". Voici le texte communiqué par Tigra Nigra et Rainbow Keepers.
Le travail des services de sécurité visant à éviter toute protestation contre la politique économique de la BERD en Ukraine de la part des activistes de Tigra Nigra et de Rainbow Keepers a commencé bien avant le sommet.
En février des organisations écologistes dont Rainbow Keepers ont adressé au directeur de la BERD une lettre, dans laquelle ils dénonçaient les machinations menées par le gouvernement et dautres organisations officielles avec largent attribué par la BERD pour la fermeture de lusine de Tchernobyl. Sur la base de cette lettre, la BERD, après un contrôle, a suspendu les crédits.
Le 16 avril lappartement dune activiste des Rainbow Keepers a été cambriolée. Lordinateur, lappareil photo avec pellicule et le téléphone avec le répondeur et sa cassette ont été volés. Le choix des objets ont fait penser que les services de sécurité avaient joué un rôle.
Le 23 avril a eu lieu la première manifestation conjointe entre Rainbow Keepers et Tigra Nigra, pour exiger que la centrale de Tchernobyl soit fermée et que de nouveaux réacteurs ne soient pas construits dans les centrales de Rovno et de Khmelnitsky. Les pouvoirs publics ont autorisé la manif. Cependant, le lendemain, la police a effectué une perquisition illégale " pour découvrir de la drogue " chez un activiste de Tigra Nigra, Dimitri Mejouiev, où logeaient cette nuit là des participants venus dautres villes. Tous se sont vus contrôler et forcés d'écrire une " explication " au poste de police.
Le 5 mai un officier du SBOu, services de sécurité, a convoqué officieusement un des activistes de Tigra Nigra, Maxime Boutkevitch, par lintermédiaire de la fac de philosophie où celui-ci étudie. Au cours dune " conversation " de deux heures on lui a demandé, puisquil était selon le SBOu un des initiateurs des actions possibles contre la BERD, de nentreprendre aucune action pendant le sommet. Lofficier a aussi tenté dobtenir de linformation sur les membres de Rainbow Keepers, qui selon lui préparait laction de protestation contre la BERD avec Tigra Nigra. De plus, la discussion sest accompagnée de menaces directes ou voilées : risque d'être exclu de luniversité, menace de diffusion de rumeurs le discréditant , en particulier sur son " travail dindicateur " dans le milieu radical, et des allusions à la possibilité darrestation préventive des initiateurs dactions possibles pendant le sommet. Le lendemain, 6 mai, lofficier a exigé davoir encore deux rencontres avec M. Boutkevitch : il lui a proposé non seulement de collaborer avec le SBOu, mais aussi deffectuer une mission à l'étranger en utilisant les contacts dont il dispose.
La conversation a permis de comprendre que les téléphones étaient sur écoute. Afin d'éviter alors des arrestations préventives, certains dentre eux ont quitté leur appartement. Le 8 mai, un des anarchistes a découvert, que la police avait, pendant son absence, posé des scellés sur son appartement. Le même jour, dans lappartement de Nadia Chevtchenko, une activiste des Rainbow Keepers, la police est venue contrôler les papiers des militants qui se trouvaient là et a essayé demmener, Sergueï Fomitchov (de nationalité russe). Le 8 mai encore, la police est venue inspecter lappartement dune anarchiste, ce devait être le lieu où, selon les informations des services de sécurité, les anarchistes se seraient réunis pour planifier laction contre la BERD alors quil nen a jamais rien été. Les policiers ont prétendu que près de sa maison une Mercedes aurait été volée, et quils vérifiaient tous les appartements ; après vérification, aucun des voisins navait reçu la visite de la police. Le même jour, une des activistes de Rainbow Keepers, I. Korol, a été arrêtée dans le métro ; après contrôle des papiers et fouille, elle a été libérée. Enfin ce jour là, le père dun des anarchistes, haut fonctionnaire, a reçu des informations sur une prétendue liste noire, à la disposition du Président et dans laquelle figurerait son fils. Peu de temps auparavant la même information avait été communiquée au père dune fille qui sympathise avec les anarchistes de Tigra Nigra.
Dans la nuit du 8 au 9 mai, dans une rue centrale, M. Boutkevitch a été arrêté alors quil discutait avec une amie et ce juste après avoir fixé ce rendez vous par téléphone. Bien que les papiers de M. Boutkevitch aient été en règles et quil nait rien commis dillégal, il a été arrêté (alors que la jeune fille, sans papiers, sest vue priée de rentrer chez elle). Les policiers ont dabord tenté de laccuser d'" infractions administratives " (scandale sur la voie publique), puis ont déclaré quil ressemblait a un criminel recherché. Libéré une heure après il a du rentrer à pied. Pas loin du poste de police quatre civils lont arrêté de force et ont menacé de le battre, de le tuer ou même de le violer (puisquil avait une boucle doreille quils lui ont dailleurs arrachée) sil " faisait des bêtises " comme " par exemple se promener la nuit ". Ensuite ils lont filé de manière ouverte jusqu'à ce quil rentre chez lui.
Le 9 mai a eu lieu une action de protestation contre le financement par la BERD des usines nucléaires de Rovno-4 et Khmelnitsky-2, organisée par Rainbow Keepers soutenu par Tigra Nigra. Cinq participants ont été arrêtés. Le lendemain, lors dun procès à huis clos, quatre ont été condamnés à trois jours de prison et I. Korol à quatre jours, " pour refus dobéissance à la police " : ils se seraient accrochés aux uniformes des policiers alors quils ont été arrêtés par des civils. Trois dentre eux se sont mis en grève de la faim, et Irina Korol, a même refusé de boire. Larrestation des activistes a choqué même les membres du sommet de la BERD : son représentant, Ch. Franck, a annoncé quil avait demandé que les personnes arrêtées soient libérées, mais quon lui avait répondu que " toutes les personnes arrêtées étaient déjà libérées ". Néanmoins, ils ont été détenus jusquau bout. Dautres participants de cette manifestation ont été filés après la fin de laction.
Les 10 et 11 mai, des Rainbow Keepers ont distribué dans le centre-ville des tracts contre le financement par la BERD des réacteurs de Rovno et Khmelmitsky, et ont été les deux fois arrêtés par la police. Le 11, la distribution a été accompagnée dactions théâtrales et N. Chevtchenko, accréditée comme journaliste auprès du sommet, a été arrêtée par la police qui a tenté de lui arracher une pellicule sur laquelle avait été fixée à la fois laction et les arrestations.
Ce jour là, le SBOu a rempli ses menaces darrestations préventives. Les membres de Tigra Nigra, Dimitri Mejouiev et Anna Dovbakh, ont été arrêtés un soir dans un parc, où ils préparaient des matériaux pour une action. Entourés par la police qui leur a confisqué leur papiers, ils ont été emmenés au poste, où, sans quune accusation leur soit présentée, ils sont restés jusquau procès, le lendemain matin. Leurs camarades ont appris où ils étaient détenus une heure avant le procès. Lors dun procès à huis clos ils ont été reconnus coupable de " petit vandalisme " et condamnés à cinq jours de prison. Il faut noter que selon le code civil, les procès concernant des infractions " administratives " doivent être publics. Le " vandalisme ", selon les policiers, consistait en des jurons proférés (ce qui est ridicule et tout à fait invraisemblable quand on connaît les personnes arrêtées).
Malgré les arrestations préventives et labsence de matériel, une action a quand même été menée le 12 mai. Les membres de Tigra Nigra et de Rainbow Keepers ont distribué dans le centre ville de la petite monnaie symbolisant les investissements de la BERD dans l'économie ukrainienne, avec le texte des " Accords " sur les conditions dinvestissement. Ces " Accords " sous une forme sarcastique montrent que la BERD représente un instrument de globalisation de la politique néo-libérale.
Tous ces événements se sont accompagnés du silence des médias. Seul le dernier jour du sommet, sur une des chaînes télé a été montrée larrestation du 9 mai et laction du 12 mai. Le lendemain une autre chaîne locale a consacré un court sujet à la sortie de prison de I. Korol. Le 14 mai seulement un des journaux les plus importants a publié un article sur certains des événements, avec un commentaire officiel du SBOu : une partie des faits était niée et il était affirmé également que " les services secrets avaient agi dans le cadre de la loi ".
Ce qui sest passé à montré le vrai visage de la " démocratie " ukrainienne, la vénalité de la presse, la toute puissance des services secrets et labsence totale de droits des simples citoyens. Il est évident que le but de ces persécutions était de ne laisser filtrer aucun avis négatif concernant la politique de la BERD. Cependant, il ny a aucune certitude quavec la fin du sommet les répressions sarrêtent. Nos camarades sont toujours en prison. Cest pourquoi nous, activistes de Tigra Nigra et des Rainbow Keepers nous demandons à tous ceux qui peuvent être intéressés, de nous offrir leur soutien.
Pour leur apporter votre soutien vous pouvez diffuser cette information et surtout envoyer une lettre de protestation à lAmbassade dUkraine de votre pays.