Peu d'écho dans la presse autour des films interrogeant notre présent, en profondeur et sans scandale. Citons pour exemple, le Claude Mouriéras Dis-moi que je rêve. Pas de scandale dans cette famille, à part lamour jamais défaillant, pas dinceste, pas de transgressions croustillantes, mais des vaches porteuses de chaleur animale et non de maladie, des hommes avec leur grain de folie qui dénote le " trop " de leur désir d'humanité. (sortie, 3 juin).
La pomme de Samira Makhmalbaf, 18 ans, fille du cinéaste Mohsen Makhmalbaf est un film réjouissant. Par laction conjuguée des voisins et de lassistante sociale, deux jeunes filles de 13 ans, enfermées par un père trop angoissé pour les lacher dans la rue, (la vie) car la mère est aveugle, sortent et découvrent en fait rien dextraordinaire, des pommes par exemple, la rue, une voie de chemin de fer, un jeu de marelle et elles entrent dans la ronde. Mais nest-ce pas là lessentiel ? Le film est une victoire de la beauté et de la poésie sur la laideur de lenfermement.
Du côte des femmes, il y a eu aussi des films remarquables quon a ignores. Laetitia Masson avait jeté avec En avoir ou pas un beau pavé dans la mare de la bienséance du cinéma français. Avec son deuxieme long métrage, À vendre, son propos se corse et se complique et qui veut des complications ? Sandrine Kiberlain est encore au centre de son film. Avec un culot monstre, cette belle fille se fout à poil au milieu dun champ ou pleure à vous donner des frissons. Elle pleure en compagnie dune poule réélle, et ce nest pas la seule image surréaliste du film. Elle se casse la figure, mais quel prix a la liberté ? Elle veut juste vivre et ne pas souffrir de lamour, des étreintes si nécessaires et si compliquées. Laetitia Masson lui a donné un italien comme partenaire dont la grande carrure mangue la fragilité, Sergio Castellitto. Un couple étonnant est né. Il fuit et il la suit. Un film avec un trop plein didées et dimages. Si dans le film de Laetitia Masson, la femme se fait payer pour éviter le lien par le sentiment, Isabelle Huppert, qui incarne le personnage central de L'école de la chair de Benoit Jacquot paie pour se réserver les faveurs dun jeune homme qui se prostitue comme dautres prennent une douche. Cest le sexe sportif et lignorance profonde du jeu subtil des désirs contradictoires. (sortie non communiquée).
Ceux qui maiment prendront le train de Patrice Chéreau donne des interprétations grandioses des tourments de cur et de sexe en ne lésinant pas sur le nombre des personnages. Un film adulte, une somme. Mais pas de prix. Alors quil y avait des prix dinterprétation possibles et en quantité : Jean-Louis Trintignant, proprement stupéfiant dans un rôle double ; Pascal Greggory à la fois proche et lointain, inquiet et blasé donne profondeur et épaisseur à son personnage ; Vincent Perez en folle, travesti, chaleureuse personne humaine ; Valeria Bruni-Tedeschi, une souffrance et une passion torrides et les plus beaux yeux bleux du cinéma Et évidemment, cest à Patrice Chéreau que reviendrait prix dexcellence d'humour et dironie. Peut-on traduire toute cette finesse dans les langues des membres du jury de Cannes, explication peut-être hative, mais possible du choix de film dAngelopoulos pour la palme dor car son film se comprend sans paroles. L'éternité et un jour est de toute façon un très beau programme.