Marseille le 21 février 1995 en pleine campagne électorale, présidentielles et municipales, une équipe de militants F.N., Lagier, Mario dAmbrosio et Pierre Giglio, militants respectivement depuis dix, un et cinq ans, sapprêtent à coller des affiches. Ils ont pris avec eux des pistolets de gros calibre. Lagier est même tireur délite et sentraîne plusieurs fois par semaine dans un club de tir de la police nationale. Club de tir où il avait amené sa petite fille de neuf ans pour quelle apprenne à tirer sur les « melons ». Il emporte aussi une paire de lunettes contrastantes lui permettant de mieux distinguer les formes dans la nuit. Il sest même fabriqué un étui spécial pour porter son arme au mollet, comme dans les films.
Un mois auparavant, ces quatre militants avaient menacé de leurs armes quatre clients se rendant dans un bar, tout près du lieu où Ibrahim sera tué. Le numéro dimmatriculation de leur véhicule avait été signalé à la police.
Après un premier collage au carrefour des Aygalades, dAmbrosio reste faire le guet alors que Lagier et Giglio vont coller plus loin. Il est 22 h 30. Des jeunes, le groupe B-Vice et leur possee, revenant dune répétition et courant pour rattraper le bus les ramenant à leur cité, la Savine, arrive au niveau de la voiture.
Lagier sort du véhicule et fait feu une première fois. Les gamins senfuient en faisant demi-tour. Lagier tire à deux autres reprises, lune des balles atteint Ibrahim Ali dans le dos. Malgré laide dun ami, il sécroule une dizaine de mètres plus loin. DAmbrosio rejoint Lagier et, complètement affolé, fait feu à son tour. Se réfugiant dans un bar, les B-Vice préviennent les secours. Pendant ce temps, Lagier, dAmbrosio et Giglio se séparent après une brève discussion et rentrent chez eux.
Ibrahim Ali décédera une demi-heure après sa prise en charge par les marins-pompiers. Il avait 17 ans.
Le lendemain, Lagier et dAmbrosio se présentent à la police, Giglio est interpellé à son domicile. Le F.N., par lintermédiaire de Bruno Mégret, prône la légitime défense vu quun des colleurs daffiches « avait été violemment agressé si nos colleurs navaient pas été armés, ils seraient probablement morts ». Les premiers éléments de lenquête réfutent rapidement cette thèse. Les trois hommes sont mis en examen respectivement pour « homicide volontaire, tentative dhomicide, port darmes et munitions de quatrième catégorie », « tentative dhomicide volontaire, détention et port darme » et « complicité et transport darmes ». Les parents se portent rapidement partie civile bientôt suivis par la Fédération des Comoriens, les B-Vice, le maire de Marseille et les habituelles organisations professionnelles de lantiracisme (M.R.A.P., L.D.H., L.I.C.R.A.).
Le 25 février, vingt mille personnes défilent dans les rues de Marseille. La famille a appelé au calme. Il ny aura pas dincident, seulement une forte tension au niveau du local F.N. Les charognards, politiques et journalistes se succèdent sans cesse à la Savine pour dénoncer le crime.
Pendant ce temps, le F.N. sorganise. Il organise des collectes et autres lotos « au profit de nos prisonniers ». Une association est créée avec un bulletin de liaison. J-P Bauman, avocat, candidat dans le secteur du meurtre en 1995, candidat de nouveau en 1998 pour les cantonales se fend même dun poème.
Parallèlement, depuis trois ans, des permanences du F.N. saute à Marseille. Ces attentats sont revendiqués par des « Francs-tireurs partisans », en mémoire dIbrahim Ali.
Le procès sachève lundi 22. Diverses manifestions ont lieu pour réclamer « Justice pour Ibrahim », justice républicaine évidemment. Sortant du lot, une rencontre libertaires et jeunes de la Savine a été organisée par la C.N.T.-Vignoles à la fac dAix à loccasion de la projection du film « Ibrahim Ali, mort pour une certaine idée de la France » dIsabelle Sens.
Lors du débat qui suivit, deux mondes qui nont pas tellement lhabitude de se côtoyer se sont rencontrés. Très enrichissant même si pour certains, le combat contre le F.N., cest le vote. Enfin des ponts se sont établis, ce qui nous a permis de voir que chez ces jeunes rappeurs la révolte nest pas seulement musicale mais saccompagne dune conscience politique développée ainsi quun fort lien identitaire lié au quartier, à la cité. Quoiquil en soit, ces manifestations attirent peu de monde, contrairement à il y a trois ans.