La F.S.U., qui regroupe les plus puissants syndicats enseignants, notamment le S.N.E.S. pour le secondaire et le S.N.U.I.P.P. pour l'école, entame une rentrée que la Fédération place sous le signe de la lutte. Depuis la scission de la puissante centrale syndicale enseignante qu'était la F.E.N. en 1992, cette fédération syndicale dit se placer dans un syndicalisme de lutte, revendicatif et rénové.
Héritière du courant Unité et action de la F.E.N., animé par des proches du Parti communiste, la F.S.U. a très vite produit un discours de justification de sa propre option « de lutte » sans que les pratiques ne soient grandement transformées.
À lintérieur, lexemple même de la bureaucratie syndicale corrompue qu'était la F.E.N. pratique du vote bloqué, contrôle procédurier pour évincer lopposition, électoralisme, gestion patrimoniale, permanent à vie na pas été complètement niée. Même si les pratiques ont changé en sassouplissant, elles nont pas changé dans leur nature. On peut même dire que plus la reconnaissance électorale et médiatique de la F.S.U. sest développée et plus elle est apparue comme une étrange F.E.N. bis, dont le discours de justification se résume à se définir contre le modèle de la F.E.N. Cest ainsi que la pratique du vote bloqué, les représentants dune section départementale vote soit pour ou contre une mesure en faisant fi des proportions. En clair ce que nimporte lequel de ces démocrates fustige dans la vie politique se déroule au syndicat, a été reprise par le S.N.E.S. lors du vote sur le protocole de résorption de la précarité proposé par le gouvernement en 1994 ! Cest ainsi que les relations se sont tendues avec lautre courant constitutif de la F.S.U., l'École Émancipée, tendance syndicaliste révolutionnaire datant du début du siècle, animée aujourd'hui essentiellement par des militants ou ex-militants de la L.C.R. et quelques anarchistes (souvent non déclarés) dont la F.S.U. avait besoin en 1993 au moment de sa constitution pour légitimer les nouvelles pratiques syndicales démocratiques mais qui peut sen passer allégrement aujourd'hui. Il faut dire que la croissance continuelle du nombre dadhérents tend à clore les débats en attestant de la pertinence de la voie choisie par la F.S.U.. Là encore, nous ne sommes pas loin de la F.E.N sans compter les permanents à vie. Il faut dire que nombre des militants syndicalistes révolutionnaires de l'École Émancipée ont trouvé justification à ce discours de changement pour sengouffrer dans un syndicalisme visant à la reconstruction syndicale sans en contester les tares de nature. À limage du P.C.F. dans le gouvernement, il est difficile de participer tout en restant clair et les camarades trotskistes le vérifient encore .à moins que ce genre dexpériences ne dévoilent la vraie nature de ces militants ? La real politik simpose donc comme pensée unique de ce syndicalisme de gestion ou le nombre dadhérents et les services proposés remplacent les engagement militants et la décision collective nécessaires à une dynamique de lutte authentique.
Car le problème central se situe bien à lextérieur, cest-à-dire dans les actions et la stratégie de la F.S.U. ou les différences avec la F.E.N. paraissent souvent plus dans le discours que dans les pratiques. Cest surtout le cas du S.N.E.S. A côté dun syndicalisme qui senferme dans une stratégie corporatiste et un syndicalisme de cadre supérieur, saffirme un discours sur le renouveau syndical fait de démocratie à lintérieur et douverture sur les luttes sociales à lextérieur. Cest ainsi que la F.S.U. saffirme comme un syndicat de lutte au côté de la C.G.T. et de S.U.D. pendant le mouvement de 1995 comme dans les différents mouvements sociaux (immigrés, chômeurs ). On ne compte plus les tracts appelant « à une société solidaire et à des transformations sociales » signés par la F.S.U. Mais cela napparaît-il pas comme un positionnement sur le marché du syndicalisme enseignant ou la place de syndicat gouvernemental est déjà largement prise par la F.E.N. et le S.G.E.N.-C.F.D.T. quand on regarde les revendications et les stratégies mises en uvre par la F.S.U. ?
Acceptant le protocole sur la précarité de Perben en 1994, qui a mis au chômage des milliers de maîtres-auxilliaires, pour pouvoir être représenté auprès du gouvernement dans les discussions ouvertes après la signature du protocole, la F.S.U. et le S.N.E.S., en particulier, a montré son traditionnel mépris pour ceux qui nont pas réussi au concours, accusés de dévaloriser la profession. Défendant avec hargne les statuts les plus enviables comme les agrégés en prétextant que ceux-ci tirent lensemble de la profession, ils oublient la lutte des précaires. Le S.N.E.S. na-t-il pas refusé de syndiquer les milliers de contrats C.E.S. sous le prétexte que les syndiquer reviendrait à une acceptation de leur statut ? Doit-on entendre par là que le S.N.E.S. accepte le statut du salariat en syndiquant des enseignants alors que ses statuts font vaguement référence à la nécessaire abolition du salariat (art. 2) ? Cest ce genre de raisonnement qui tue le syndicalisme et la volonté de transformation et incite les salariés à être réticents à celui-ci. La solution existe : iI suffit de développer des services de plus en plus perfectionnés aux adhérents pour attirer les enseignants. Cest donc ce que fait le S.N.E.S. dans sa volonté d'être un syndicat de masse sans se soucier de la dynamique et de la volonté de transformation sociale de la masse en question. Il suffit de développer les consultations tout azimuts à la façon dont les dirigeants soccupent de nos problèmes qui remplacent avantageusement la discussion entre militants actifs et décidant en dernier ressorts. Cest ainsi quil est difficile parfois, dans des départements ou sont adhérents plus de 1000 enseignants, de faire des réunions de plus de 7 ou 8 personnes ! À bien des égards, les dirigeants actuels sont issus dune mouvance assez stalinienne qui a perdu ses repères et rompue avec le PC dans les années 80. Ils sont alors devenus les zélés techno-gestionnaires des structures syndicales quil sagit de perpétuer, quitte à faire fi de tout horizon politique.
Ce type de syndicalisme ne bouge que pendant les mouvements sociaux ou le discours de lutte doit nécessairement saccompagner des actions correspondantes. Alors, iI faut lui souhaiter beaucoup de luttes comme celles de la Seine-Saint-Denis en mars qui a montré quun collectif départemental composé de délégués dassemblées générales est toujours plus porteur de la lutte que la structure syndicale de la F.S.U.