Notre compagnon André Robert fait paraître son premier recueil de poésie illustré de quelques uns de ses dessins.
Mais, si vous ne le connaissez pas, ne croyez pas quil débute en création artistique. ou en anarchie, ce qui est la même chose. Pour les dix ans de Radio libertaire (1991), dont il anima une émission sur la peinture, il fut à lorigine dun colloque passionnant sur " LArt et lAnarchie " rassemblant peintres dessinateurs et poètes. Un ouvrage, devenu rare, fut publié à cette occasion.
Tantôt en langue créole tantôt en français, les poèmes dAndré Robert font le lien entre Marseille ou il habite et La Réunion ou il est né. Une vieille relation faite damour et de violence, de révolte contre larrogance et la domination des maîtres de tous les temps et de toutes les espèces ;
On raconte que La Réunion doit son nom à la Convention qui en 1793 voulut en le choisissant symboliser la réunion des gardes nationaux parisiens et des fédérés marseillais pour déboulonner de son piédestal le roi Louis XVI., cet insipide Bourbon. Sunir pour chasser un maître
Dans le " farfar " de Robér, à Marseille et à La Réunion, loin de lautre coté de la mer, dans sa besace gonflée des vents tamouls de lInde, chargée des racines odorantes du vétiver, ce parfum qui ne suffit pas à éloigner les insectes-colonisateurs, cest plein damour et de cris.
Les gants de boxe dArthur Cravan s'éclairent dun soleil noir. Un peu despoir avec Max Stirner qui nous " désot la Kroyans " ; on entend le tambour des Malabars, on aspire le goût du rhum et des " litchis ".
En parler créole ou français, sur le fil fragile qui relie le pays natal et Marseille, André Rober nous peint ses rêves et ses révoltes, ses amours et ses noires colères.
Fil symbolique, lien nécessaire et libertaire que celui-là qui nous rappelle les premiers coups de boutoir des " Fédérés " de 1792 contre les monarques de droit divin, dont la République néo-jacobine a pris sans honte la méprisable relève.
Symbole aussi des spéculations capitalistes des marchands et des maîtres desclaves, quils soient royaux, impériaux ou républicains.
Du Bourbon au Bonaparte, en passant par les Compagnies des Indes, ces multinationales du XVIIIe siècle, ce fut à qui tirerait le plus grand profit de la sueur d'hommes asservis.
Il est plus que jamais actuel le chant du poète, sil peut réveiller les " Zoreilles ", qui après avoir coupé celles des esclaves sont restés sourds à la justice dans la liberté.
L'uvre de solidarité anti-autoritaire qui, en 1792, fut à lorigine du nom de Réunion sest interrompue. Il reste à la poursuivre. Cest bien à cette tâche que se sont attelés les jardiniers-poêtes de lAnarchie, quils soient réunionnais, marseillais ou dun autre coté de la mer : On dit en effet que la devise de l'Île de La Réunion est : " Je fleurirai partout où je serai porté "
Éditions KA (Marseille) et Grand Océan. (Saint-Denis de La Réunion)