Impossible douvrir la radio ou de lire la presse sans échapper aux commentaires relatant le début du procès de ce quil est convenu de nommer " laffaire de la fusillade nation-Vincennes ". Folle équipée meurtrière qui fit cinq morts dans la nuit du mardi 4 octobre 1994. Dans l'émotion des événements le ministre de lIntérieur de l'époque, Charles Pasqua, sest empressé de fustiger ces " jeunes marginaux, ( ) animés de pensée anarchiste et voulant détruire la société ". Anarchiste, le mot était lâché et il était facile de comprendre que derrière cette affaire on tentait de criminaliser un mouvement social et politique. Pourtant, il était évident que la question n'était pas là.
Cette histoire, cest celle dun drame. Un drame social, collectif et individuel. Un drame qui reflète derrière une révolte réelle langoisse de toute une frange de la jeunesse devant une société en mal davenir et qui transpire la misère et lennui. Une révolte nourrie par la galère des boulots précaires, des logements pourris comme le squat de Nanterre et par une haine du flic acquise quelques mois plus tôt dans les manifestations anti-CIP et la violente répression qui les accompagnait. Aujourd'hui la justice et les médias sinterrogent, posent des questions, cherchent à comprendre, se demandent pourquoi, alors que l'évidence dune société en crise et de leur fuite en avant, désespérée et sans issue, pour tenter de sortir de la galère crèvent l'écran. Que peut-on attendre dune telle mise en scène juridico-médiatique si ce nest quune jeune fille qui a déjà laissé sa jeunesse et une partie de sa vie sur le pavé parisien ne soit transformée en mort-vivant dans les isoloirs sans fin de la perpétuité. Tout cela pour légitimer un système qui est pourtant le responsable de tels drames humains. On peut dailleurs se souvenir qu'à une autre époque la justice fut plus clémente lorsquelle décida damnistier les assassins de lO.A.S. dans un souci dapaisement. Des individus dont les crimes relevaient pourtant dune autre nature, organisés, planifiés et assumés collectivement.
Si la révolte peut être réelle et légitime on voit bien que toute seule elle ne peut mener à grand chose et même pire, lorsquelle se transforme en isolement, elle peut devenir une impasse une impasse qui peut être mortelle ; sans issue individuelle ni collective. Etre anarchiste cest bien au contraire tout faire pour ne pas en rester là, pour sefforcer de passer de la révolte à la révolution. Comprendre que cest seulement par la prise de conscience collective, par le développement dun mouvement social construit au fil des luttes, porté et assumé collectivement ainsi quanimé dun projet de société que nous pourrons changer les choses et retrouver espoir dans le futur.