Finalement, on a bien raison de dire que le temps porte conseil. La justice anglaise vient de mettre un terme à une affaire judiciaire ouverte depuis 1952.
Derek Bentley avait été arrêté en flagrant délit lors dune tentative de cambriolage au cours de laquelle un policier avait été tué. Prévenue par des voisins, la police de Croydon (Londres) avait tenté dinterpeller Derek Bentley (19 ans) et son complice Christopher Craig (16 ans). Derek fut arrêté sans résistance mais Chris qui portait sur lui un revolver (ce que son ami ignorait) tira sur un policier qui tentait de le désarmer. Chris étant mineur ne put être jugé comme totalement responsable dun meurtre et fut condamné à 10 ans de prison. Derek qui lui était majeur, et bien quil aie été déjà en état darrestation au moment des coups de feu et quil naie pas eu darme sur lui autre quun battoir à tapis, fut accusé, jugé et condamné pour meurtre sous largument quil en avait été l'élément déclencheur en criant à son ami que le policier tentait de désarmer : " Let him have it, Chris ".
Cette phrase apparemment banale allait connaître une notoriété dont son auteur se serait bien passé (entre autres, une chanson dElvis Costelo). On peut bien sûr traduire cet ordre par : " Donne-le lui, Chris ". Mais quand on est flic et quon a à cur de venger son collègue, on peut sans rire témoigner devant une cour dassise que le prévenu voulait dire en fait quelque chose comme : " Fais-lui son compte, Chris ". On ne saura jamais vraiment ce qua voulu dire Derek Bentley. Le jugement de la cour dappel ne sy est dailleurs pas attardé. La cour a cassé le jugement non pas parce quelle considère Derek Bentley innocent des faits qui lui étaient reprochés, mais parce que le juge de l'époque avait exhorté le jury dassise à ne pas laisser la mort dun policier en uniforme impunie ; commettant ainsi un abus de pouvoir (et une faute professionnelle) caractérisé. Le jugement est donc cassé pour impartialité, vice de procédure, vice de forme, etc.
Cest une victoire pour la famille Bentley et pour une large partie de lopinion publique anglaise même si le bon sens eut mérité que lon reconnût quun homme en état darrestation et armé dun battoir à tapis ne puisse en toute logique être accusé de meurtre au premier degré par arme à feu. Bien sûr, il nest pas ici question de bon sens mais de loi, alors ça nous échappe un peu à nous autres anarchistes. Derek Bentley lui, sen fout un peu de toutes ces réflexions. Il a été pendu le 9 janvier 1953 à 9 heures du matin. Il avait 19 ans ; c'était un " retardé mental" (comme on disait à l'époque) dun âge mental de 11 ans.