Après ladoption au parlement de la loi Aubry et ses premières applications, les illusions tombent les unes après les autres et dici peu, tel que nous lenvisagions, les salariés pourront mesurer les véritables préoccupations de ce gouvernement sils ne les ont déjà perçues.
Tout dabord pour saisir la finalité économique et idéologique de cette loi, il est utile de se remémorer quelle porte pour lessentiel sur une incitation à lemploi et à laménagement du temps de travail. Il est simple, uniquement à partir de ces principes et en considérant que la société est fondée notamment sur le concept de lexploitation avec l'État pour gendarme, de saisir qui de lexploiteur ou de lexploité peut en tirer un bénéfice. Certes à lorigine, le patronat a renâclé, jouant à cette occasion la partition des politiciens libéraux mais il a su depuis retrouver ses valeurs et on le voit maintenant faire preuve de " réalisme " et user de la loi voire sen faire son thuriféraire à limage de son organisation de " jeunes ", le C.N.J.D. Il vient en effet de contracter avec la ministre socialiste de lemploi pour en faire une " bonne " application. Cest dire ce que lon peut en attendre. Les apôtres de lentreprise " citoyenne " ont pu retrouver en la fille de Delors une Fatima des temps modernes.
La loi a donc pour objectif lemploi et non le travail. Cela peut sembler être une nuance mais il sagit au fond de deux orientations distinctes. Dans la première, on occupe les individus par le salariat sans modification économique, cest-à-dire sans toucher à la redistribution de la plus-value encaissée par le patronat ou sans modifier lusage de limpôt pour répondre aux besoins sociaux et créer des emplois publics. Pour la deuxième, il est clair quil faut satisfaire la demande de biens de consommation et sociaux, il est alors nécessaire de modifier le nombre d'heures travaillées, et imposer une répartition du travail par sa réglementation et son coût. Ni lune, ni lautre ne peut être considérée comme une orientation anarchiste mais la première est dinspiration réactionnaire et se limite à gérer la misère pour le plus grand profit des possédants en confinant une part importante de la société à vivre du bon vouloir des gouvernants et de la charité. Cest ce que nous subissons depuis plus de 20 ans avec laccroissement du profit, laugmentation du nombre de chômeurs et en parallèle les Resto du Coeur.
Si la deuxième se confine dans une simple gestion du capital et na pas a priori plus notre gré, elle redonnerait tout au moins une capacité à tout individu de peser sur les fondements sociaux.
Ceci permettrait de sortir de ce faux débat qui laisse supposer que le capital a une morale et croire que la misère quil génère puisse modifier ses orientations. Cela relève dune naïveté dangereuse, car il a toujours su manier selon ses besoins la carotte et le bâton.
En qualité danarchiste, nous ne pouvons nous satisfaire de gérer les marges sociales quil génère, y compris si nous pensons que cest à partir delles que des évolutions sont possibles. Dans tous les cas, cest selon notre capacité dorganisation du plus grand nombre que nous pourrons aboutir à ébranler ce vieux monde, sinon nous serons contraints à nous convertir en secte en attendant le jour du salut éternel
Concernant la loi, la ministre fait état daccords signés dans plus de 700 entreprises pour 1800 emplois créés. Vu quelle ne dit pas le nombre de salariés concernés par ces accords et quen prenant une hypothèse basse de 50 salariés par accord cest 35000 qui le seraient. Appliquer le même ratio de création demplois à lensemble du secteur défini par la loi et ce serait 600 000 emplois créés selon le meilleur des rêves du gouvernement Jospin. Le prix alors pour les finances publiques serait de plusieurs centaines de milliards de francs daide au patronat en application de la loi.
Mais personne du Budget ne sen émeut car tous savent que la majorité des accords sont et seront signés sur la base défensive, cest-à-dire sans création demploi donc avec un coût réduit. En clair, y compris sur sa propre orientation, la ministre a mis à côté de la plaque. Est-ce le fruit du hasard quand on connaît les besoins de restructuration de nombreux secteurs industriels et la nécessité de réduire les dépenses de l'État pour respecter les critères de lEuro ?
Par contre, le patronat peut se frotter les mains, il a le moyen dimposer la flexibilité à travers des accords signés au niveau de chaque entreprise puisque le gouvernement lui offre la possibilité d'" aménager " le temps de travail. La droite lui avait promis, la gauche la fait !
En effet, si légalement le patronat avait déjà la possibilité de mettre en place la flexibilité, il ny était pas parvenu dans tous les secteurs faute davoir des contreparties à proposer.
Avec la loi Aubry, il peut pratiquer le chantage du maintien de la rémunération contre lacceptation de la flexibilité et en guise de réduction du temps de travail, les 35 heures à la sauce de la gauche plurielle est en train de se traduire par un allongement des journées voire des semaines de travail. Il nest pas rare de voir des accords basés sur des amplitudes journalières de travail de 13 heures sur 6 jours la semaine. Après ça, les patrons pourront remettre un cierge à la gloire de Sainte Martine pour ses bonnes oeuvres.
Cest sur cette base avec notamment des salariés désignés par les patrons et docilement mandatés par un syndicat que lapplication de la loi se fait. Le deal de la C.F.D.T. avec le gouvernement prends alors toute sa place.
Pour le salaire, la loi ne fixe rien hormis quil est possible de baisser les salaires à loccasion de la réduction du temps de travail.
Actuellement, le patronat sest donné pour objectif de cumuler baisse de salaire et flexibilité, et toujours selon la loi, il ne pouvait en être autrement. En cumulant les deux, il atteindrait son objectif de réduire la part du coût du travail.
Martine Aubry et le gouvernement de la gauche plurielle dans toutes ses composantes ont donc répond à lattente du capital. Que ceux qui en doutent, se procurent les recommandations du F.M.I. sur lajustement du coût du travail.
Il ny a aucune rupture entre la politique du gouvernement Juppé et celle de Jospin et les vociférations des camarades de Hue à la fête de l'Huma tiennent de laboiement du roquet de la garde-barrière voyant passe le train de la misère inhérente au capitalisme et renforcée par la mondialisation (A.M.I., N.T.M., etc.).
La dynamite sociale nous tend les bras et nous pouvons compter sur ce gouvernement quand il abordera la réforme des retraites pour y ajouter une once dinstabilité. Si nous sommes à même de ne pas confondre les causes et les effets, préparons-nous à allumer la mèche.