Entre les gestionnaires et les activistes, deux logiques saffrontent. Dun côté, celle des États, où plutôt de leurs commis, les Tobback ou les Chevènement. Pour eux, derrière chaque sans-papiers se cache un vague submergeante de crève-la-faim qui, en vagues successives, fuyant leurs enfers terrestres, vont envahir lEurope. Tétanisés par la pression conservatrice dune partie grandissante de la population laminée par la crise sociale, ces socialistes dun type nouveau construisent un mur de barbelés autour de ce qui reste encore (toute proportion gardée) leur îlot de relative prospérité : On ne peut pas accueillir toute la misère du monde nous disent-ils, le ventre rond.
Comme ils se réclament de grands principes humanistes, ils entrebâillent encore la porte pour recevoir, au compte-goutte, quelques centaines de " réfugiés politiques " dûment inventoriés, rejetant dans labîme celles et ceux qu'hypocritement, ils qualifient de " réfugiés économiques ". À leurs yeux, la misère, loppression, le manque de tout et du reste, la possibilité de vivre une existence " normale " liée au simple hasard du lieu de sa naissance et de la couleur de son passeport, ne posent pas de questions politiques Les " droits de l'homme " ne se limitent-ils pas aux frontières de lempire ?
Face à eux, les activistes des collectifs contre les centres fermés et contre les expulsions. Pour eux, chaque personne internée est dabord, et avant tout, une femme, un homme, un enfant emprisonnées pour la seule et unique raison quils ne possèdent pas les bons papiers, au bon moment, au bon endroit. Un être humain ne peut être illégal nous disent-ils. Entre des lois iniques et leurs consciences, entre l'État et leurs valeurs morales, ils ont choisis. Contre le sinistre symbole que représentent des camps, entourés de barbelés, où lon enferme des réfugiés uniquement sur la base de leur appartenance nationale, ils se saisissent de larme de laction directe et de la désobéissance civile pour tenter de bloquer physiquement la grande machine à déporter. Ils semparent aussi de larme médiatique pour sonner le tocsin et tenter de réveiller une population indifférente, voire pire, crispée sur ses derniers " privilèges ". Et ce faisant, ils obligent chacun dentre nous à choisir entre nos principes et notre confort Ils nous obligent à prendre position dans ce qui nest pas un débat dopinion mais une histoire de vies et de morts.