Félix Fénéon est un personnage relativement connu mais ces écrits sont aujourd'hui quasi introuvables. Écrivain, il fut un propagandiste de la peinture impressionniste et néo-impressionniste mais aussi un propagandiste des idées libertaires. Il participa aux revues LArt moderne, La Revue blanche mais aussi Le Père Peinard, lEn-dehors, la Revue anarchiste. Ce recueil intitulé " Nouvelles en trois lignes et autres textes courts " présente essentiellement des comptes rendus de faits divers (en trois lignes) parus dans le Matin de mai à novembre 1906. Les " textes courts " sont quant à eux extraits de diverses revues ; on trouvera aussi à la fin du livre des extraits de linterrogatoire de Félix Fénéon au procès des Trente.
Les " nouvelles en trois lignes " sont en quelque sorte un exercice de style. Il sagit en effet de rendre compte on ne peut plus brièvement dun fait divers. Lamateur de littérature dégustera à son rythme. En soi, il nest pas forcément intéressant aujourd'hui de lire dun seul trait une liste, fort longue, de faits divers datant de 1906· Pourtant, dans cette collection, on trouve bien plus que de simples et brèves descriptions. Cest probablement lironie qui coule le plus souvent - mais toujours sobrement - de la plume de Fénéon. Il semble tout observer avec distance mais paraît trouver que toute occasion est bonne pour décrier la gente militaire, parfois aussi les pauvres hères abusant de la boisson.
Bien sér, il est parfois utile de connaître auparavant le contexte historique pour
apprécier la nouvelle mais ne peut-on trouver plaisant de lire (p 65) :
La cour de Nancy a condamné à quinze jours de prison et 200 francs M. Gosse, curé de
Bennay, qui outragea le percepteur, à linventaire.
Il rend compte aussi dambiances aujourd'hui oubliées :
Les femmes rouges d'Hennebont ont saccagé les vivres quapportaient aux ouvriers
rentrés aux forges les femmes jaunes.
En effet, Fénéon rapporte régulièrement des faits sociaux et pas seulement des accidents de tramway, des suicides plus ou moins ratés, des drames de la jalousie, les catastrophes naturelles. Il reste que son point de vue est celui dun anarchiste pour qui les faits divers sont les symptômes dune société malade.
Les textes courts, quant à eux, abordent aussi des faits divers. La contrainte
despace n'étant plus la même, le style se fait plus persifleur. Citons ici
lun des plus courts :
On vient de capturer quelques cambrioleurs de la bande des Ternes : Lagusse dit
Philippe-Auguste, Édouard Girod, Jean Serre, Béchard dit Petit-Louis. Notre bonne foi
nous force à reconnaître que ces noms ne figurent pas à lannuaire militaire pour
1892. (24 janvier 1892).
Les fidèles lecteurs de la " Petite semaine " de notre hebdomadaire se proccureront sans tarder ce recueil. Ils y reconnaitront dans nombre de textes une parenté stylistique.
Félix Fénéon navait pas que des qualités. Il simaginait - comme quelques autres anarchistes de l'époque - que " personne nest innocent ". La sentence est cruelle, stupide, et fut parfois mortelle. Impliqué (probablement) dans lattentat du restaurant Foyot en 1894, il comparut lors du procès des Trente. On peut constater dans les extraits de son interrogatoire que lironie peut aussi bien être portée par la langue de bois, malheureusement.
Nouvelles en trois lignes, Félix Fénéon. Livre de poche (biblio). En vente à la librairie du Monde libertaire, 35 F.