On nous gave depuis plusieurs mois avec lidée que tout irait bien en France aujourd'hui. La croissance est revenue, le chômage baisse et la France est championne du monde ! Deux milliards dindividus vivent avec 5 F par jour, le chômage, la misère, les capitalistes de tous pays continuent de dépouiller les populations, les guerres et loppression religieuse sévissent partout dans le monde, les 35 heures imposent des contraintes nouvelles dans nos vies ! mais tout va bien, si, cest la radio qui le dit ! Il suffit de ne pas regarder dehors, de ne pas sintéresser au monde et tout va effectivement très bien. Il suffit douvrir les yeux pour comprendre que ce nest pas un point de croissance qui va changer nos vies !
Tout le monde le sait mais il est important de maintenir lillusion. Aubry clame depuis juin que le chômage baisse pour nous annoncer en septembre quil augmente. Mais ça fait des lustres, et elle le sait, que le chômage baisse en juin pour augmenter en septembre, on appelle ça les variations saisonnières qui font quil y a un surplus demploi pendant la période estivale ! Et tous les ans, un ministre du travail nous fait le coup.
De qui se moque-t-on ? Il faut être un minimum lucide sur la situation économique et sociale et sur l'état de la population. Ny aurait-il donc plus trois millions de chômeurs (rien que daprès les chiffres du ministère) ? Ny aurait-il plus deux millions de personnes en sous-emploi (en comptant comme iI se doit le million de personnes qui cherchent un emploi, même quand elles travaillent à temps partiel 20 heures par semaine, les stagiaires de lA.N.P.E., les gens qui en ont marre de chercher !) ?
Ny aurait-il plus la moitié de la population qui vit avec moins de 6 000 F par mois ? (cest le revenu médian en France la moitié des personnes ont plus et lautre moitié moins) Ny aurait-il plus 500 000 SDF, les cantines de pauvres seraient-elles vides ? Ny aurait-il plus près de trois millions de personnes vivant avec les minima sociaux ? (R.M.I., allocation spécifiques, allocations diverses, minimum vieillesse) Le smic ne serait-il plus de 5 500 F net, cest-à-dire 31 F par heure de travail ? Les travailleurs ne feraient-ils plus 39 heures par semaine dans le meilleur des cas ? Nos prisons seraient-elles devenues plus soucieuse de dignité et de réinsertion ? Les jeunes seraient-ils plus heureux au collège et au lycée ? Les décisions collectives ne serraient-elles plus prises par quelques politiciens élus sans être contrôlés ? Ny aurait-il plus cette insolence de la richesse ? Lordre moral bourgeois ne chercherait-il plus à régner ?
Il faut être sérieux. Rien ne change ou si peu. On peut toujours par lintermédiaire de médias asservis, didéologues vertueux, dexperts complaisants ou de footballeurs sacralisés produire un sens de la réalité très différent de cette réalité. Mais un climat de confiance pour les investisseurs capitalistes et les classes moyennes na jamais voulu dire que la population va bien. On peut même dire que cest plutôt le contraire ! Ce climat de confiance se bâtit avec lassurance dune prospérité qui pèse sur la majorité de la population et lassurance dune atonie sociale et politique.
La force du patronat, des marchés, la tyrannie de largent et de la hiérarchie continuent dassommer les espoirs de changement. Certes les profits augmentent à limage de la santé insolente de la Bourse, dont les quelques soubresauts actuels ne peuvent nous faire pleurer ; les impôts naugmentent pas et la consommation globale augmente. Mais quest-ce quon en a à faire puisque les profits sont réservés à une caste, les impôts sont payés par la moitié de la population la plus aisée et la consommation peut augmenter sans que le bien-être général ne pointe son nez à l'horizon.
De lautre côté, la précarité progresse (comme le remarque les derniers travaux de lI.N.S.E.E.), lintérim se répand, le monde du travail senfonce petit à petit dans le délitement des droits élémentaires et une étude de lI.N.S.E.E. découvre quil existe en France des " poors workers ", des salariés pauvres qui gagnent moins de la moitié du smic par mois !
Quand les choses changent, cest pour accrotre la mainmise du patronat sur nos vies et la force de la tyrannie économique. Cest le cas des 35 heures aujourd'hui ou les accords vont tous dans le sens dune flexibilité que ledit patronat cherchait depuis plus de dix ans.
Soyons sérs que la situation dexploitation et dindignité na malheureusement pas changé ! Ce nest pas en changeant le récit du réel que le réel change. Autrement dit, iI ne faut pas prendre les travailleurs pour des pompes à vélo !
Les raisons de se battre sont là, en dehors de lanesthésie médiatique et estivale organisée par le gouvernement et appuyée par la gauche quelle soit politique ou syndicale. Celle-ci semble participer de ce travail dillusion et dendormissement. La rentrée syndicale est particulièrement tranquille et bien en-deça des enjeux du moment. Nous sommes confrontés tout simplement à une nouvelle offensive du patronat, aidé comme il le faut par l'État, pour précariser nos vies, libéraliser les services publics et exclure toujours plus de personnes de leur droit sur la production des richesses. Mais lillusion ne peut tenir lieu de politique. Tout les pouvoirs qui sy sont essayés se sont généralement aperçus à quel point le réveil arrive toujours ! tôt ou tard ! Il faut travailler à le précipiter.