500 000 lycéens ont manifesté jeudi dernier leur mécontentement
dans les rues de la plupart des villes françaises :
le gouvernement à réellement de quoi sinquiéter.
Les paroles dapaisement de Claude Allègre, père
fouettard avec les enseignants mais près à jouer au
père Noël avec les lycéens, nont eu aucun effet.
Leurs revendications sont pourtant simples et accessibles
: allégement des programmes et des classes surchargées
(entre 30 et 40 élèves par classe alors que le maximum
pour un travail de qualité est entre 20 et 25), ainsi
que la nomination denseignants sur tout les postes
vacants. Le ministre a beau promettre à tour de bras,
comme il le fait depuis quil est en poste, il
fait maintenant figure dune baudruche qui souffle
et se dégonfle progressivement. Quinze jours de manifestations
auront donc suffit pour que tous comprennent quune
grande gueule, même socialiste, ne résout pas plus
les problèmes de l'éducation quun faux cul de
la droite centriste.
Le questionnaire sur les problèmes des lycées, distribué lan dernier à plusieurs millions dexemplaires, na bien entendu servi à rien. Allègre voulait seulement jouer à sa mesure lair gaulliste du " je vous ai compris ", devenu pour loccasion un fade " je vous ai entendu ". Mais voilà, les lycéens se rendent compte un an après que le questionnaire bidon navait dautre but que dendormir leur idées revendicatives, Mieux, ils découvrent que les vrais questions n'étaient pas dans le questionnaire.
Rien, en effet, concernant les effectifs surchargés des classes, rien non plus à propos du recrutement de nouveaux enseignants, rien enfin sur les moyens nécessaires pour des améliorations réelles et nécessaires des conditions de travail des lycéens et des profs. Bref, les lycéens ont été roulés dans la farine et cest normal quils exigent maintenant des changements immédiats.
Leurs revendications ne sont pourtant pas révolutionnaires ; et cest bien dommage dailleurs. Elles nen restent pas moins évidentes et justifiées. Mais un risque réel de manipulation par le ministère, profitant de linexpérience des lycéens sur les réponses techniques aux problèmes, existe. Beaucoup des conseillers de Claude Allègre étaient en 1968 de lautre côté de la barricade, comme Alain Geismar, révolutionnaire maoïste devenu inspecteur général de l'Éducation nationale et interlocuteur des lycéens pour le compte du ministre. Ce type de requin sait nager dans toutes les eaux et il le montre actuellement à propos du problème central quest la pénurie de profs. La seule solution acceptable est lembauche de nouveaux enseignants ou la réembauche définitive des maîtres auxiliaires totalement précarisés depuis quelques années. Pour cela il faudrait enrayer la chute continuelle du nombre des postes aux concours, " justifiée " par la baisse du nombre des lycéens, argument que la réalité des effectifs des classes dément chaque jour.
Mais la politique néolibérale du gouvernement est de nembaucher aucun nouveau fonctionnaire. Allègre préfère boucher provisoirement les trous en se servant demplois précaires d'étudiants embauchés sous contrat à durée déterminée et parachutés sans formation dans les classes. Les grands discours du ministre qui estime que les solutions sont qualitatives et non quantitatives (pour ne pas payer de nouveaux personnels) sonnent bien faux tout à coup. Assurément le ministre na ni provoqué, ni même souhaité, ce mouvement mais il tente de lagitation et de l'émotion pour faire passer à la hussarde un certain nombre de pratiques inacceptables.
Lenjeu réel de ce mouvement et de ceux qui suivront inévitablement est cependant beaucoup plus important que quelques rustines sur un système autoritaire, inégalitaire et centralisé. Nous ne défendrons pas l'Éducation nationale parce quil serait tout de même paradoxal de voir des anarchistes au chevet dun des principaux outils de la domination idéologique de l'État républicain. Par contre cest loccasion de défendre notre conception de ce que doit être un véritable service public de l'éducation. Service public, pour nous cela veut dire trois choses : universel, totalement non marchand et gratuit, géré par ses usagers. Nous devons ainsi nous battre contre les filières ultra - courtes qui sous prétexte denseignement plus concret ont pour fonction de faire sortir de l'école le plus possible d'élèves, le plus rapidement possible. L'école doit être ouverte à tous, dans les mêmes conditions matérielles et pour cela être parfaitement gratuite (transports, livres et fournitures, repas dans les cantines et voyages scolaires compris). Enfin et surtout l'école doit être la propriété véritable de ses acteurs et non la propriété de l'État ou des curés.
Élèves, profs, parents, doivent selon nous autogérer les écoles, les collèges et les lycées. Dans un premier temps, nous serions bien inspirés de profiter des mouvements en cours pour exprimer nos idées et par exemple de revendiquer au moins un établissement autogéré par département, pour chacun des niveaux de la scolarité.