Allemagne

L'écologisme, de la protestation à l’establishment politique

Les élections générales allemandes du 27 septembre ont mis fin à la longue période Kohl et entérine une coalition S.P.D. (social démocrate) et GrŸnen (les Verts). Dés son élection, et avant son investiture officielle, Gerhard Schršder a déjà investi son rôle de chancelier, en prenant ses marques sur le plan international - rencontre à Paris de Chirac et Jospin, à Washington avec Clinton - et avec ses futurs alliés au gouvernement.

À commencer par le chef de file des GrŸnen le charismatique, Joseph " Joschka " Fischer, 50 ans qui sera certainement le nouveau responsable des affaires étrangères allemandes. Au grand regret d’une partie du corps diplomatique et des conservateurs qui jouent le jeux de l'épouvante à la perspective de voir un ancien soixante-huitard à ce poste " hautement stratégique ". Cependant il est coutume outre Rhin de confier ce portefeuille a un membre du parti minoritaire de la coalition dominante au Bundestag.

Si cette participation au gouvernement constitue une véritable consécration pour une partie des écologistes " réalistes ", il reste quelques semaines à un parti issu de la mouvance protestataire des années soixante pour renier ses potentialités révolutionnaires et devenir une écolo-démocratie parlementaire et étatique.

Divisé en deux courants, les " Réalos " (realistes) de Joschka Fischer prêts à servir l'État et les " Fondis " (fondamentalistes) de JŸrgen Trittin - lui-même, par tactique politicienne, pressenti pour le poste de ministre de l’environnement -, les GrŸnen devront s’efforcer de parler d’une seule voix (la voix du ma”tre) qui ne laisse planer aucun doute sur leur " loyauté " ou plutôt leur soumission au S.P.D.

Une majorité de militants fidèles à leurs opinions ont toujours éprouvé une méfiance instinctive vis-à-vis de la centralisation du pouvoir et de la hiérarchisation des responsabilités. La discussion promet d'être dure car importante pour l’avenir du parti écologiste. Si les deux courants s’accordent sur la nécessité de sortir du nucléaire, sur une réforme fiscale " écologique " et sur la politique énergétique, Réalos et Fondis divergent sur la politique de défense et les relations étrangères.

Fondis et Realos sont dans un bateau

Les Fondis, fidèles à leur pacifisme fondateur des années 70, avaient fait inclure dans le programme initial de la campagne, des propositions importantes et novatrices pour l’Allemagne, comme la réduction de la moitié des effectifs de l’armée (la Bundeswehr) ou la séparation à terme de l’O.T.A.N.

Les Réalos ont pris l’ensemble des militants écologistes à rebrousse-poil en se déclarant dés 1995, partisans d’une intervention occidentale en ex-yougoslavie (Bosnie), avec l’appui de Gerhard Schršder qui garantissait la continuité diplomatique de l’Allemagne.

Joschka Fischer et son représentant en France Daniel Cohn-Bendit ne disent rien d’autre quand ils font de l’intégration européenne l’intérêt central de la politique extérieure de l’Allemagne. Une politique dont les fondements doivent être " définis indépendamment de celle des partis et de la coalition ". Une Europe qui comme le défini Daniel Cohn-Bendit. est " comme une union qui n’est ni une Europe des nations, ni une Europe fédérale mais une nouvelle entité politique qui doit définir son degré de souveraineté par un embryon de constitution ".

Ce qui sous-entend une étape vers la création d’un État européen. Joschka Fischer renchérit en prônant l’union, cette seule possibilité d’obtenir " dans des conditions dues à la mondialisation la dimension politique qui permettra d’imposer à l’avenir notre tradition spécifiquement européenne ". Voilà nos écolos qui de part et d’autre du Rhin tombent dans le piège d’un Paneuropéennisme au service de la logique de guerre économique que se livrent les multinationale de la triade, États-Unis., Japon, Europe dans le cadre de la globalisation.

L’autre question à laquelle Joschka Ficher accorde une " importance capitale ", celle de la structuration sociale de l’Europe : " nous avons d’un côté un projet essentiellement monétaire (l’UEM) et de l’autre 18 millions de chômeurs. Je souhaiterais quant à moi que les gouvernements européens se fixent comme objectif commun la diminution du nombre des chômeurs, de sorte que les politiques nationales soient obligées de mettre en þuvre cette politique commune ". Ce que propose Ficher, c’est une nouvelle hiérarchie des valeurs. Il conclut, " nous devrons concevoir une politique intérieure mondiale en tant qu’européens, en prenant pour guides les droits de l'homme, la justice sociale et une politique mondiale durable du développement ". En fait l’extension des idées de l’AufklŠrung (les Lumières allemandes) et de la Révolution française de 1789 à l’ensemble de la Terre, ce qui cache une contre révolution de la petite bourgeoisie occidentale contre l'hyperbourgoisie internationale qui règne sur le marché. Rien de nouveau sous le soleil, pour les travailleurs et exclus, prolétaires de l’ensemble des nations : L'égalité économique connais pas !

C’est dans une Europe socio-libérale, trop " social-démocrate " pour être unie, que les GrŸnen dans le cadre du futur gouvernement allemand pourront défendre une vision qui ne bouleversera ni l’Europe ni le monde.

Dans cette nouvelle écologie " réaliste ", les tendances pures et dures, les baba-cools et les libertaires de l'écologie sociale, - sauf s’ils sont en fait des anarcho-ploutocrates ou libertariens - n’ont plus rien à faire.

Sahuc Michel - groupe la sociale (Montpellier)