Comme de vulgaires jacobins chevénementistes attachés aux principes sacrés inscrits dans la Constitution, certains amuseurs dun hebdomadaire satirique ultra-républicain ont fait connatre leur exécration des parlers régionaux, minoritaires, historiquement vaincus et limités, par là même, à leurs yeux, superflus et désuets. À travers écrit et caricature, haineux mais toujours facétieux, nos farceurs ont transformé ceux qui tentent de faire vivre localement ces petits trésors du patrimoine commun en soldats SS pour les adeptes de lalsacien et en une poignée de culs-terreux pour les amateurs de langue bretonne ou de patois et autres dialectes qualifiés par eux de " pataquès ".
Quil se trouve ici ou là des fanatiques du terroir pour nous proposer, dans leur langue particulière, de nouvelles frontières, de nouveaux drapeaux, prétextes à de nouvelles guerres, nempêche pas les mêmes âneries, ou dautres, d'être proférées à travers la langue véhiculaire qui unit toutes nos régions.
Ainsi, lorsque Renaud, comique involontaire, pleurniche publiquement, dans la langue de lAcadémie, sur la mort dun président qui le laisse orphelin et avec une inutile brosse à reluire à la main, lorsque Charb et Philippe Val nous supplient régulièrement, dans une langue de courtisans, daider Jospin et la gauche qui sont une chance pour le pays, on se prend à rêver que partout dans l'hexagone cent patois, cent dialectes traduisent en choeur, pour les Français de Charlie Hebdo, le Père Peinard et son argot : " Si ten pinces pour la politique, va en faire aux chiottes ! "
Que viennent le temps où les hommes auront compris que la langue nest quun outil, où dans une admirable diversité de cent mille parlers ils feront leur ce cri né au-delà des Pyrénées, lancé à la face du monde en castillan et en catalan : " Ma patrie, cest l'humanité ! "