Nom : Pinochet, Prénom : Augusto, Profession : Dictateur à la retraite, Signe particulier : serial killer. Larrestation et la mise en détention à Londres du féroce dictateur chilien nous donnent loccasion de rafraîchir les mémoires et de faire le point sur les ex-dictatures sud-américaines recyclées en " démocraties ".
Le retour sur le devant de la scène du souvenir douloureux des tortures, des disparitions et des exécutions sommaires des années 70 et 80 en Amérique latine nous interpelle cruellement : la plupart des dictateurs et de leurs séides nont pas été jugés pour leurs crimes. Partout cest limpunité pour les tueurs en série et leurs comparses. Le général Pinochet a lui-même proclamé sa propre loi damnistie couvrant tous les crimes commis de 1973 à 1978, on nest en effet jamais si bien amnistié que par soi-même. Les forces armées brésiliennes s'étaient de la même manière offert limpunité en 1978. Le dictateur chilien avait déclaré à l'époque : " Le jour où lon touche à lun de mes hommes, cen sera fini de lEtat de droit. " En Argentine les chefs de la dictature condamnés en 1985 sous le gouvernement de Raoul Alfonsin, ont été " pardonnés " par son successeur le président Carlos Menem.
Partout, cest une évidence, la raison d'État est la meilleure garantie dimpunité pour les bourreaux du peuple. Cest elle qui fait quun Pinochet a pu rester commandant en chef de larmée de terre chilienne jusquen 1997 et quil a été nommé sénateur à vie.
Il faut dire que les bonnes intentions humanitaires affichées au niveau international ne font pas bon ménage avec les intérêts politico-économiques des grandes puissances et notamment ceux des Etats-Unis. Ce nest un secret pour personne, dès quon remue un peu le linge sale de ces dictatures on a la certitude d'éclabousser la C.I.A. ou lune de ses filiales. Le retour à des régimes " démocratiques " en Amérique du Sud est largement dû à des raisons économiques. Un certain Georges Bush déclarait le 2 mai 1989, devant une conférence du Conseil des Amériques : " lengagement dans la démocratie nest quun élément dans la nouvelle association que jenvisage pour les nations des Amériques [Elle] doit avoir pour visée la garantie que l'économie de marché survive, prospère et prévale. " Aujourd'hui la chasse aux subversifs a été remplacée par la chasse aux pauvres.
Dans les pays du cône sud où les inégalités sociales sont de plus en plus fortes, le danger vient des laissés pour compte du nouveau miracle économique : les escadrons de la mort massacrent les enfants des rues. La police et larmée font la guerre aux habitants des bidonvilles.
Pour en revenir aux tribulations médico-judiciaires du vieux dictateur il est piquant de constater que cest une juridiction espagnole qui fait incarcérer le général sanguinaire. Impossible en effet de ne pas penser à un autre général, espagnol celui là, mort dans son lit et à ses complices qui nont jamais été inquiétés, malgré quarante années dune dictature qui na pas fait dans la dentelle en ce qui concerne les droits de l'homme.
Ironie de lactualité, la justice espagnole a fait emprisonner le mois dernier les responsables désignés, dont un ancien ministre de lIntérieur, de la sale guerre contre le terrorisme de lE.T.A. Jusquoù ira le juge Baltasar Garzon ? Jusquoù le laissera-t-on aller ? Au-delà de ce cas particulier, quel crédit peut-on accorder aux juridictions nationales et internationales en charge de poursuivre les criminels de guerre ?
Il faudrait être bien naïf pour croire que, tout dun coup, des instances judiciaires internationales ou dotées de compétences internationales, seraient en capacité de rendre justice aux opprimés. Les Etats-Unis et lUnion Européenne sont en train de se fabriquer une bonne conscience, de se parer dune image démocratique. Le Nouvel Ordre Mondial soffre des vertus démocratiques et humanitaires. Pendant ce temps, lordre du libéralisme économique, lordre de l'économie de marché règne sur la planète entière.
Quoiquil advienne du sinistre général Pinochet, il y aura toujours des opprimés au Chili et ailleurs. Le capitalisme triomphant ne sembarrasse pas de préoccupations humanitaires lorsquil sagit dengranger des bénéfices et de faire tourner la machine économique. Tout le reste nest que poudre aux yeux et diversion.
Il ny a quune justice pour la dictature, politique ou économique, cest la révolution sociale, celle dont lun des objectifs majeurs est précisément de rendre impossible toute dictature.