Éditorial

" La canaille… j’en suis ! " répondait Louise Michel lorsque des tenants de l’ordre moral et de l’ordre social jetaient l’anathème sur des révoltés qui, poussés par la faim, pillaient une boulangerie, ou sur les révolutionnaires de la Commune. Le bon vieux " classe pauvre, classe dangereuse " a toujours fait recette. Aujourd'hui encore, en plein mouvement lycéen, cette équation est mise en avant et sont jetés les qualificatifs de " racaille, caillera ou encore lascar " afin de mieux diviser et opposer les bons élèves… des mauvais. Mais dans la réalité, ces derniers ne sont, pour la plupart, même plus élèves. Cette fameuse rupture générationelle évoquée par la presse et tous les soi-disant spécialistes de la jeunesse, est simplement une ligne de partage entre ceux qui ont encore la tête hors de l’eau et ceux qui ont déjà coulé. Les premiers, encore intégrés dans le système scolaire, se battent contre la précarité du quotidien et de l’avenir alors que les seconds ne pensent plus qu'à la survie, la démerde, le business quitte à arnaquer son voisin. Mais les premiers savent aussi qu’ils peuvent glisser de l’autre côté de cette ligne de partage. Alors, la lutte n’en devient que plus urgente. D’un côté comme de l’autre, cette génération est réunie par le fait d'être soumise à la précarisation générale de la société. Et les lycéens en lutte l’ont bien compris en popularisant le slogan " Qui sème la galère récolte la colère ! ".

La galère, c’est bien la précarité. Précarité dans les conditions d'études mais précarité aussi pour l’entrée dans le monde du travail. Déjà, en 1994, les lycéens s'étaient radicalement battus contre une mesure de précarisation générale de leur entrée sur le marché de l’emploi. C'était alors l'époque de la lutte victorieuse contre le CIP. Aujourd'hui, tout aussi sournois que le CIP, mais légitimés par toute la bonne conscience " de gauche ", les emplois-jeunes s’installent de plus en plus dans la normalité des premiers boulots, pour ceux qui ont la chance d’en avoir un. En septembre, pour son numéro de rentrée, le Monde libertaire titrait " Précarité ras-le-bol ! ".

Les lycéens nous donnent aujourd'hui de l'écho. Il parait aussi qu’un des slogans le plus populaire lors de la dernière grande manifestation parisienne fut " Dans grève, il y a rêve ". Les lycéens ont compris qu’il est temps de repenser l'éducation mais aussi de rêver d’un autre avenir et qu’il n’y a rien de mieux que la grève pour poser les choses à plat, se rencontrer, discuter, échanger et rêver. C’est bien dans ces moments que les idées se diffusent le plus rapidement, que des solidarités se forgent et que les projets s'élaborent. D’ailleurs rêve, c’est aussi présent dans Révolution et en plus il y a évolution… quand le rêve peut devenir réalité.