Du 11 novembre à l’APD

Antimilitaristes toujours !

L’Appel de préparation à la défenseNous sommes le 11 novembre. Voilà 80 ans qu’a pris fin une des plus grandes boucheries humaines que fut la guerre mondiale de 1914-1918. Combien de morts ? 5, 10, 15, 20 millions ? Personne n’en sait trop rien tant les chiffres officiels ont été truqués, minimisés, détournés… Tous ces morts pour qui, pour quoi ?

Les guerres décidées par les États, qu’ils soient républicains, monarchiques, religieux ou transnationaux, ont pour but d’asseoir ou d'étendre leurs zones d’influence politique et économique. Les guerres ne profitent donc pas à la chair à canon constituée des classes laborieuses, ni même à leurs descendants. Les soldats français et allemands qui ont fraternisé ou se sont insoumis lors de ce premier conflit mondial, se sont aperçu un peu, beaucoup trop tard qu’ils ne défendaient pas leurs intérêts mais bien ceux de leurs dirigeants, et que ces intérêts sont radicalement antagonistes. Il est d’ailleurs révoltant de constater que les organisateurs de ce crime à grande échelle qu’est la guerre, ont réussi à s’approprier cette date symbolique du 11 novembre.

À bas toutes les armées !

Le chef de l'État affublé du ministre de la Défense (donc de la guerre) refourgue des décorations à des vieux combattants qui ont " servi la France ". La France, vous savez cette grande famille où cohabitent dans l’entraide et la solidarité quelques milliardaires repus comme Mme Bettencourt (L’Oréal) ou la famille Dassault (tiens, des marchands d’armes !) avec la cohorte des chômeurs, précaires, salariés, sans-papiers, sans toit, etc. Le 11 novembre, on dépose aussi une gerbe sur la tombe du soldat inconnu devant le sommet de la hiérarchie militaire qui donnera l’ordre au moment venu à plein d’inconnus d’aller buter d’autres inconnus qu’ils soient soldats ou civils… Et oui, tout cela est parfaitement irrationnel et abject.

Pourtant, en lisant Libé du 3 octobre l’autre jour, on pouvait croire qu’on assistait à un tournant de l'histoire, l’armée allait repérer et aider les analphabètes, elle qui s’en était servi comme chair à canon. Chirac et Juppé avaient amorcé la fin du service national ancienne formule. Et maintenant avec Jospin, plus de service national obligatoire, juste une journée d’Appel de Préparation à la Défense (APD) qui remplace le mort-né rendez-vous citoyen d’une semaine, dissout avec l’arrivée de la gauche au pouvoir. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le P.C. et une partie du P.S. déplorait la fin du service national obligatoire sauce Chirac, garant selon eux de l’unité nationale et de l’ordre républicain… Peut-être ont-ils réalisé en prenant le pouvoir, qu’une armée, fut-elle composée de soldats-citoyens, a toujours commis les pires horreurs (guerre de 14-18, " pacification " de l’Algérie et de l’Indochine, " règlement " des conflits sociaux par la force lors du soulèvement de la Commune ou de la rébellion des Canuts) et n’a pas empêché les tentatives de coups d'État (les putschistes d’Alger étaient entourés d’appelés, putsch de l’armée chilienne contre Allende, etc.).

Nous avons déjà eu dans nos colonnes l’occasion d’expliquer la professionnalisation de l’armée qui correspond à une nouvelle donne stratégique (chute du mur de Berlin, mondialisation de l'économie) et non à un intérêt soudain des dirigeants de l'État pour l’anti-militarisation. L’armée aujourd'hui doit pouvoir frapper vite et fort partout où l’ordre économique est menacé ; que ce soit au fin fond de l’Afrique ou de l’Asie, dans les banlieues ou ici en cas de mouvement insurrectionnel. Pour cela, des armées professionnelles dotées de moyens technologiques avancés sont les plus efficaces. Le service national obligatoire, très coûteux, a été rendu caduc par ces nouvelles données. Nous nous réjouissons de la fin de la conscription contre laquelle nous avons milité, qui représentait une vaste entreprise de décervelage : pendant près d’un an, y étaient inculqués le respect de la discipline et de la hiérarchie, l’acceptation des inégalités, des humiliations, des sacrifices, l’abandon de tout esprit critique, le mythique sens du devoir et le sentiment d’appartenir à la même grande collectivité, (faux) ciment de la cohésion sociale.

Ceci dit, nous ne céderons pas à l’enthousiasme des sociaux-démocrates en tout genre. Pourquoi ? Parce que ces valeurs sont toujours véhiculées dans les armées de tous les pays, parce que l’armée française, à coup de spots publicitaires démagos, continue à embaucher. Parce que des guerres ont lieu dans de nombreux pays du monde. Parce que les États, qu’on dit riches et civilisés, engloutissent des sommes énormes (un hélicoptère Tigre vaut 40 milliards) pour fabriquer de quoi faire des guerres tout en envoyant des casques bleus " défendre la paix " ! Parce qu’une armée humanitaire n’existe pas plus qu’une poule volante. Parce que l’armée constitue l’appareil répressif de l'État et qu’elle peut intervenir en cas de conflits sociaux (cf. lois sécuritaires de Pasqua datant de 1993). Parce qu’enfin, si l'État, pour des raisons économiques et stratégiques a opté pour une armée de métier, il n’a pas renoncé à un boulot idéologique plus diffus mais peut-être aussi efficace de militarisation de la société et de contrôle social.

Dès la prochaine rentrée, les enseignants seront obligés d’enseigner " les principes et l’organisation de la défense nationale et européenne " avec obligation de suivre les pistes d’un document élaboré par l'Éducation nationale et l’armée.

Des agents du ministère de la Défense pourront également intervenir. Un rapport élaboré par Mme Dumas, prof d'histoire, préconise d'étendre cela à l'école primaire et à la faculté avec jumelage d'établissements scolaires et de régiments, ainsi que des stages dans l’armée autour du secteur technique et professionnel !

Militarisation et contrôle social vont donc gagner du terrain. Le certificat APD délivré à la fin de la journée entraînera l’inscription automatique sur les listes électorales. Gageons que le pourcentage d’abstentionnistes augmentera de façon considérable.

Face à cela, informons profs et lycéens, participons à établir ce que signifie réellement le militarisme et les horreurs qui l’accompagnent. Nous sommes pour une société égalitaire, sans frontières, sans État, où chacun prend ses affaires en main, où chacun a la possibilité d’avoir une opinion et de la faire valoir. L’armée représente tout le contraire.

À bas toutes les armées !

Gilles - groupe Un autre futur (Montpellier) et Cédric