Anti-PACS en Alsace

"Ce sont des mutants ! Ils ne collent pas aux stéréotypes de l’extrême droite traditionnelle. " reconnaît un militant antifasciste strasbourgeois en parlant des organisateurs d’un cycle de conférence contre le P.A.C.S.

Il est en effet bien mystérieux le collectif " Alliance 206 " qui annonce ces conférences, avec comme orateurs des universitaires ayant une certaine notoriété. Un de ses responsables refuse de citer les cinq associations confessionnelles et laïques qui constituent le collectif " Notre désir n’est pas de faire de la publicité pour telle ou telle association, mais de mettre en avant un contenu. Les défenseurs du P.A.C.S ont les faveurs des médias. C’est pour cela que nous avons éprouvé le besoin de donner au opposants des éléments de réflexion solides loin de la superficialité des slogans. "

Politique, quelle politique ?

Il se fait très insistant sur l’apolitisme des participants. C’est un paradoxe, les conférences concernées s’inscrivent dans la logique d’une manifestation devant la mairie de Strasbourg et d’une campagne de lettres aux élus pour s’opposer à un projet de loi. Si ce n’est pas de la politique, qu’est-ce que c’est ?

Les antifascistes strasbourgeois reconnaissent d’ailleurs perdre leurs repères idéologiques face à ce collectif " Cela a l’allure des fafs, les thèmes des fafs, mais pas tous. Par exemple, on ne peut pas les accuser de racisme, bref… c’est une nouvelle sorte… ". Il semble en effet que dans leurs campagnes contre l’avortement, (un de leurs thèmes de prédilection), ils se soient fermement démarqués des organisations proches du F.N. Ils condamnent par la parole et l’action, le racisme ! Les animateurs des plus dynamiques de ces associations se proclament des églises protestantes indépendantes.

Tout le monde semble gêné par cette nébuleuse d’associations difficiles à étiqueter. Sur le terrain, il est difficile de minimiser une capacité d’organisation capable d'être ponctuellement plus efficace que le F.N. Iocal.

Quand les religieux agissent

Pour des raisons historiques propres à l’Alsace et à la situation de l'Église romaine dans une région où elle n’est pas toujours majoritaire, l’intégrisme catholique est relativement faible. L’actuelle génération des pasteurs en activité dans les grandes églises protestantes, plus ou moins marquée par Mai 68 parvient a canaliser les tentations extrémistes de leurs paroissiens. Ceux-ci s’expriment soit dans le secret des isoloirs, d’où l’importance des scores lepénistes, soit en rejoignant certaines des églises indépendantes.

Ces micro-structures qui peuvent néanmoins réunir plusieurs centaines de fidèles représentent une composante non négligeable de l'échiquier social. Ils sont très actifs sur les thèmes de la morale.

Leurs spécificités en font des adversaires particulièrement redoutables. Ils peuvent se réclamer d’actes de résistance au nazisme, leur activisme souvent efficace dans l’entraide personnelle leur permet d'éluder les critiques globales du système capitaliste. Ils véhiculent une idéologie du comportement très proche de ce que les médias nomment le puritanisme anglo-saxon. Mais un puritanisme qu’il faut comprendre dans un contexte français où pour ne pas être discrédités ils s’efforcent de se démarquer de l’extrême droite traditionnelle et semblent éviter l’action violente.
Leurs thèmes de prédilection tournent autour de la sexualité : avortement, pédophilie, pornographie, etc. Mais ils ne s’arrêtent pas là, et ajoutent des soucis écologistes, la lutte contre la racisme. Ils n’oublient pas la lutte contre la pauvreté mais comprise dans le sens caritatif.

Sur le P.A.C.S. actuel cheval de bataille, leur position est significative de leur philosophie profonde. En substance, le P.A.C.S. est négatif pour "…les blessés de la vie comme la personne homosexuelle… " Ce type d’expressions permet de mesurer leur distance avec l’extrême droite classique mais aussi le danger qu’ils représentent. Ils substituent le langage de la compassion à celui de la haine. Il ne s’agit pas d’exclure ou de condamner celui qui se conduit différemment mais de le considérer comme victime, comme souffrant et de le ramener dans leur normalité. Cette normalité se définit par les critères de leur religion. Sur ces thèmes moralisateurs se retrouvent d’ailleurs les plus radicaux des milieux protestants, catholiques et musulmans. Les conférences de Strasbourg montrent qu’ils cherchent à sortir du ghetto religieux en se prévalant de la caution des sciences sociales. Pour cela ils ont loués une salle à la faculté des lettres. Naturellement les étudiants y ont vus une provocation, et il y eut quelques incidents.

Le mouvement libertaire en cassant le concept de normalité des comportements au nom du respect des choix de la personne est sans doute le mieux armé idéologiquement pour s’opposer à cette mutation de l’activisme moral.

Jacques Niltreb