Éditorial

Aux États-Unis, un " fait divers " récent mérite toute notre attention : l’assassinat de l’obstétricien Barnett Slepian qui pratiquait des interruptions volontaires de grossesses dans la région de Buffalo, État de New-York. Il se savait menacé de mort, mais en aucun cas ne voulait s’arrêter. Pour cela un " pro-life ", la mis en joue avec un fusil à lunette et l’a froidement abattu. Ce n’est pas le premier cas du genre. En l’espace de quatre ans, on compte cinq attaques meurtrières contre des médecins au Canada et aux États-Unis. Le port du gilet pare-balles ou la location de gardes du corps devient quasiment une obligation pour les médecins qui ne veulent pas céder au chantage et aux menaces des groupes anti-lVG. Mais, et cela rend la situation encore plus dramatique, ces " fous de Dieu " sont, hélas, en train de gagner : aujourd'hui 80 % des contés des États-Unis sont dépourvus de médecins pratiquant l’avortement. Dans notre doux pays de France, nous n’en sommes pas encore là. Mais n’est-il pas courant de dire que les États-Unis préfigurent notre avenir avec dix ans d’avance ? À noter cependant que les commandos anti-lVG ont semble-t-il changé de tactique. En renonçant plus ou moins aux opérations coup de poing, ils veulent se donner une nouvelle image, plus festive, plus " innocent ", et ils se rebaptisent eux-mêmes les " survivants ". Il n’en reste pas moins qu’ils réussissent à grossir leur rang en jouant de toutes les ficelles de l’ordre moral : les aspects les plus traditionnels de la religion bien sûr, mais aussi cette espèce de nouvel engouement neo-mystique pour un respect absolu et absolutisé de toutes formes de vie. Ainsi. la force et la dangerosité du discours des anti-IVG réside dans le fait qu’ils passent maîtres dans l’art de surfer sur des " valeurs fortes ", en récupérant à leur compte les notions de " respect de l’individu " (l’embryon devant être considéré selon eux comme tel) ou même en se raccrochant à une critique de la misère sociale " qui ne doit pas servir de prétexte pour décider d’un avortement "… Face à cela, nous ne pouvons donc nous contenter de nous organiser contre les opérations d’occupations des centre d’IVG. Il nous faut peaufiner nos argumentations. Il nous faut aussi dénoncer tout ce qui peut encourager le développement des groupes dits " pro-life ", en leur créant un terreau favorable, et en premier lieu, les politiques gouvernementales. Le rapport de Guigou ne prône-t-il pas, par exemple, un retour en force de la famille (en affirmant que celle-ci doit entre autres choses, intervenir directement dans l’organisation la vie scolaire ?). Les restrictions budgétaires dans le domaine hospitalier ne frappent-elles pas sévèrement les services d'lVG ?

Enfin, il nous faut convaincre tous ceux et celles qui, bien qu’attachés aux libertés individuelles sous-estiment dangereusement le degré de gravité de la situation, en considérant un peu trop vite que le droit à l’avortement et à la contraception sont des acquis " intouchables "…