À la petite semaine

Pour l’exemple

Le commandant Bunel, coupable de félonie pour avoir vu dans l’armée serbe un reste de civilisation humaniste, ne sera pas fusillé pour l’exemple. Ce type de cérémonie barbare destinée à marquer les esprits des traîtres et des capitulards potentiels ne vaut que pour la masse du petit peuple, chair à boucherie sacrifiée sur l’autel de la patrie pour le prestige d’une coterie médaillée, galonnée, « couverte de gloire », à qui les pages des livres d’écoliers ont toujours réservé une bienveillante et amnésique postérité.

Abandonnant volontiers « le sort le plus beau », l’honneur du drapeau et autres chimères sanglantes à ceux qu’elles font rêver, nous sommes de ceux qui sifflotent avec Brassens au petit air frondeur, les matins fanfarons de 14 juillet, à l’écart des Champs-Élysées ; de ceux qui n’ont pas oublié, dans l’Internationale, ce couplet phénoménal : « S’ils s’obstinent ces cannibales/A faire de nous des héros/Ils sauront bientôt que nos balles/Sont pour nos propres généraux. »

C’est assez dire que pour nous les soldats révoltés de 14-18, passés par les armes au Chemin des Dames et ailleurs, n’ont pas besoin d’être réhabilités. Dans notre conscience, qui n’est pas respectueuse des massacres, dans notre histoire, qui n’est pas nationale, ils sont les seuls pour cette période, avec déserteurs et insoumis, à être admis et considérés.

Chacun voit justice où il veut. Jospin en exhumant quarante-neuf mutins, pas plus, après quatre-vingts ans d’oubli. Séguin en célébrant le mépris assassin de la hiérarchie militaire et de la grande bourgeoisie. Dans un acte de haute portée symbolique, il faudrait selon nous qu’on affiche sur un mur les portraits en pied des Nivelle, des Pétain, de toutes ces canailles sacrificatrices sans scrupules, et qu’un peloton fêtard et désordonné de joyeux pacifistes armés de fusils en plastique les fusille sans pitié. Pour l’exemple.

Floréal