35 heures : l’année de tous les dangers

De nombreux articles parus dans notre hebdo préféré ont déjà caractérisé la loi des 35 heures, dite loi Aubry. À savoir : une arme redoutable contre les salariés. Rappelons pour mémoire les éléments principaux. Tout d’abord la loi Aubry utilise une revendication historique des travailleurs, la réduction du temps de travail, pour la détourner totalement au plus grand profit des patrons.An 1936, alors que la pression sociale est très forte (le ministère du Travail recensera en juin 12347 entreprises en grève !) la loi du 29 juin instaure les 40 heures réparties sur cinq jours dans la majorité des cas, limite l’amplitude horaire, fixe des règles collectives et affirme clairement qu'" aucune diminution de salaire et accessoire " ne pourra être occasionnée du fait de cette réduction.

Vous avez dit floués ?

Attention au passage des 35h La loi Aubry, c’est l’inverse. Elle pousse à la " modération salariale " dans le meilleur des cas, et souvent à la réduction des salaires. Elle casse les conventions collectives au profit des accords d’entreprise, elle légalise la flexibilité et l’annualisation.Avec le fameux slogan : " 8 heures, 8 heures de repos, 8 heures de loisirs ", les travailleurs cherchaient, dès la fin dernier, à arracher aux patrons un peu de temps pour leur vie privée. Avec la loi Aubry, les salariés sont au contraire sont au contraire, dans nombre de cas, soumis bien plus qu’avant aux exigences patronales (travail le samedi, amplitude horaire accrue, vacances imposées, délai de prévenance très court…) au détriment de leur vie personnelle, de leur santé.A Rennes, un mouvement social a été particulièrement significatif : celui des chauffeurs de bus de la STUR (Société de transport urbain rennais, groupe Paribas). Pendant 12 jours, en novembre dernier, ils ont été en grève totale… La raison : le respect d’un accord datant de 1982 sur les 35 heures. 16 ans plus tard, en effet, la direction, et Edmond Hervé, maire PS, entendait leur imposer la loi des 35 heures façon Aubry. Le conflit s’est concentré sur la comptabilisation du temps de travail et sur la remise en cause du temps de navette (temps passé entre le dépôt et le départ des lignes). C’est que le loi Aubry entend décompter le " travail effectif ". Comme le disait un des chauffeurs : " ils vont bientôt nous décompter le temps d’arrêt au feu rouge ! " Au terme des 12 jours de grève, les chauffeurs rennais ont gagné contre le loi Aubry.À EDF, par contre – la presse en a fait grand bruit – tous les syndicats ont signé un accord sur les 35 heures. Que prévoit-il ? Tout d’abord que la mise en œuvre de la réduction du temps de travail se fera dans le cadre des accords locaux. Il y a 200 centres EDF en France. C’est la fin du statut national des électriciens et gaziers. Ensuite, quand on regarde dans le détail l’accord, on constate, malgré les principes affichés, qu’il s’agit bel et bien d’un accord de baisse des salaires : " programmation maîtrisée des rémunérations ", si l’on utilise leur propre formulation.

L’accord insiste aussi sur le fait que " toutes les formes d’aménagement du temps de travail sont envisageables " : flexibilité, annualisation, demandez le programme !L’accord, entre autres joyeusetés, propose aussi de disposer en permanence à EDF de 1500 jeunes en formation en alternance. C’est-à-dire une main d'œuvre gratuite de jeunes, taillables et corvéables à merci, mis à disposition par l'Éducation nationale.Enfin, tous comptes faits (retraite, temps partiel) on aboutit, dans les trois ans à venir, à l’inverse des effets d’annonce, à un solde négatif d’emplois en équivalent temps plein (1).

Bilan et perspectives

Un premier bilan, d’ailleurs, commence à être tiré par les politiciens huit mois après la publication de la loi : quelques milliers d’emplois créés, tout au plus, Même Jospin se déclare " un peu déçu ".Il faut dire que malgré le soutien sans faille des médias, de la CFDT bien sûr, et maintenant de la direction de la CGT, cela grince à la base, c’est le moins que l’on puisse dire.Les débrayages) Peugeot-Sochaux et la pression des salariés pour empêcher la signature d’un accord sur les 35 heures, ont placé quelques bureaucrates syndicaux en mauvaise posture. Dans la chimie, tous les syndicats, hormis la CFDT, ont refusé le texte proposé. Et il n’est pas dit non plus que les 35 heures passent comme une lettre… à la poste.Face à cette résistance, le patronat réclame la promulgation rapide de la seconde loi Aubry, censée combler les trous de la première loi " gruyère ", qui laisse encore trop de place, selon eux, aux derniers acquis des salariés. Il sera significatif, notamment, de voir comment le problème du SMIC sera abordé. On peut craindre le pire, surtout dans le cadre de l’Euroland. Reste le chantier de la fonction publique. La loi Aubry prévoyait d’ailleurs dans son article 14 : " dans les 12 mois suivant la publication de la loi, le gouvernement présentera au parlement un rapport sur le bilan et les perspectives de la réduction du temps de travail pour les agents de la fonction publique ".Rien de tel d’abord qu’une bonne campagne de presse pour préparer le terrain. Et de nous expliquer à longueur d’articles et d’interview de doctes " spécialistes ", que les fonctionnaires et assimilés, ces fainéants, ont un temps de travail effectif bien inférieur à 35 heures ! Et d’ajouter qu’il serait bien injuste que les principes de la loi Aubry ne s’appliquent pas à la fonction publique. Si l’on ajoute le problème des retraites, le cocktail dans ce secteur pourrait être détonnant !

Fabrice - groupe La Commune (Rennes)