Cinéma

Berlin (1)

Berlin est toujours en chantier : cela n’empêche rien, tout au contraire ! La future ancienne capitale, une des plus grandes métropoles du monde, annonce en ouverture de son Festival " Aimée et Jaguar ", un film réalisé d’après un livre-compilation de Erica Fischer qui raconte l’extraordinaire histoire d’amour que vivent en pleine guerre Lilly Wust, femme mariée, mère de quatre garçons et Felice Schragenheim, déportée en 1944, morte à Theresienstadt (Terezin) ou à Auschwitz. Pour interpréter ces personnages pas ordinaires, le film, réalisé par Max Farberbock, schématise et simplifie. L’Allemande, l'épouse d’un petit nazi, est évidemment blonde. Felice, juive et résistante, est brune. Alors que sur les photos du livre qui documentent l'histoire, deux jeunes femmes sourient à la caméra et ces deux-là se ressemblent. Dans la mise en scène du film cet aspect est gommé. Comme si cela n'était pas assez spectaculaire: la mise en scène est par conséquent sur-signifiante, les deux femmes sont déguisées en lesbiennes, l’une mène comme un mec et l’autre joue la femme. Lilly Wust, 85 ans aujourd'hui, a accepté en 1981 la décoration décidée par le Président de la RFA. Ainsi fait-elle partie des " Héroines anonymes ", que les Israéliens appellent les " Justes ". Entre 1942 et 1944, Lilly Wust cachait quatre jeunes femmes juives, dont Felice dans son appartement. Trois femmes ont survécu, Felice, non.

En compétition trois films francais : Au cœur du mensonge de Claude Chabrol avec la sensationnelle Sandrine Bonnaire, sorte d’antithèse à la Femme infidèle (Stéphane Audran) dont Chabrol, un peu paresseux, a fait un remake astucieux. Puis un Bertrand Tavernier Ça commence aujourd'hui et le premier long métrage d’un inconnu : Karnaval de Thomas Vincent, tourné à Dunkerque, qui propose enfin un beau rôle à Sylvie Testud, qu’on ne voit pas souvent dans des films francais, alors qu’elle est une vedette en Allemagne depuis son succès dans le film Im Reich der Stille jamais distribué en France. Mais au menu il y a aussi un troublant Cronenberg Existenz, un Stephen Frears, un Robert Altman, etc.

Lila Lili de Marie Vermillard représente la diversité du jeune cinéma francais au 29e Forum du Jeune Cinéma, la plus importante des sections parallèles du Festival. Alexia Monduit dont c’est le premier rôle va sûrement étonner ce public unique, assez extraordinaire, toujours enthousiaste. Nos traces silencieuses, déjà primé à Belfort (de Sophie Bredier et de Myriam Aziza) représente une sorte de nouvelle école du documentaire. Et comme toujours, quelques bijoux au programme : un film de Darius Mehrjui, iranien, La Dame. Son dernier film Sarah, primé à Nantes a été boudé par le public parisien. Le nouveau Fruit Chan, son film précédent Made in Hongkong, découvert à Locarno, attend toujours sa sortie. Et last not least, le nouveau Kaurismaki Juha, mis en scène comme un film muet. Puisque André Wilms est à nouveau de la partie (La vie de Bohème), qu’il y a Kati Outines, après les " allumettes " et les " nuages " et que le film sera accompagné par un orchestre, venu de Finlande, c’est normal que ce soit Sputnik Oy Production qui serve d’antenne pour propulser ce film du grand Nord jusqu'à chez nous !

Heike Hurst - émission Fondu au Noir (Radio libertaire)