Éditorial

Assise sur ses privilèges, la petite minorité qui nous exploite et nous dirige voudrait nous imposer les limites du " raisonnable ". Anarchistes, nous qui luttons pour un changement radical de société, nous ne serions que de doux rêveurs. Pourtant, la réalité d’un monde de plus en plus déraisonnable s’impose implacablement.

Dans les pays industrialisés, plus de cent millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, dont cinq millions sont sans domicile. Malgré ces chiffres, ceux qui ont le pouvoir voudraient nous faire croire qu’ayant la chance d’habiter dans un pays riche nous serions des privilégiés, à la merci des hordes de miséreux venant du Sud qui guetteraient le plus petit signe d’ouverture des frontières pour nous envahir.

De fait, il est vrai que les inégalités entre les différentes régions du monde ne cessent pas de se creuser. En 1960, les 20 % de la population mondiale vivant dans les pays les plus riches avaient un revenu trente fois supérieur à celui des 20 % les plus pauvres. En 1995, leur revenu était 82 fois supérieur. La consommation d’un ménage africain moyen est en recul de 20 % par rapport à il y a vingt-cinq ans.

Un tel déséquilibre est éthiquement totalement inacceptable. Plus d’un milliard d’êtres humains (près d’un quart de l’humanité) sont dans l’incapacité de satisfaire leurs besoins essentiels de consommation. De tels chiffres font peur. Ils tendent à donner l’impression qu’aucune solution ne peut réellement exister sauf à l’échelle de plusieurs générations.Et c’est là que l’inégalité géographique ne doit pas masquer une autre inégalité de nature sociale qui est au fondement même de notre société basée sur l’exploitation et l’accumulation.

Il suffirait de moins de 40 % de la richesse des 225 plus grosses fortunes mondiales pour donner à toute la population du globe accès aux besoins de base et aux services sociaux. Les trois personnes les plus riches du monde ont une fortune supérieure au produit intérieur brut (PIB) total des 48 pays en développement les plus pauvres.