Le projet de loi présenté par Martine Aubry a été étudié en conseil des ministres le 3 mars dernier et devrait être voté par le parlement dici lété. Si nous pouvons nous réjouir de lextension dune couverture sociale même minimale aux 150000 personnes qui en sont privées aujourdhui, nous ne pouvons que nous interroger des véritables buts de ce projet sachant quil se place dans une politique de réduction des dépenses de santé. Poursuite logique du plan Juppé de réforme de la sécurité sociale qui prévoyait linstauration dune Assurance Maladie Universelle, la C.M.U. en diffère plus sur la forme que sur le fond.
En
effet, il y a bien anguille sous roche. La C.M.U. couvrira quelques 5 à 6 millions de
personnes vivant avec moins de 3 500 F par mois si elles sont seules ou bien jusquà
7 700 F pour un foyer de quatre têtes. Le budget prévu est de 1500 F par
bénéficiaires, cest à dire entre 7,5 et 9 milliards de francs Si on compare ces
chiffres avec ceux de laide médicale attribuée actuellement aux personnes les plus
démunies par les conseils généraux et pour une couverture équivalente (prise en charge
à 100 % du tarif conventionné), on aperçoit rapidement la magouille budgétaire.
Laide médicale couvre 2,5 millions de personnes et dispose dun budget de 8 milliards de francs. Les conseils généraux reverseront ces sommes à létat central. La CMU sera financé à hauteur de 2,25 milliards par lÉtat, 1,75 milliards par les mutuelles, autant pour les assurances, le reste étant à la charge de la CNAM. Madame Aubry et ses sbires nous annoncent donc une avancée sociale majeure en « soignant » 50 % de gens en plus avec la même enveloppe et en faisant économiser quelques 6 milliards de francs à lÉtat..
Bien sûr, ça ne sarrête pas là. La C.M.U. est une formidable aubaine pour les mutuelles et surtout les assurances privées. Si elles acceptent de débourser un peu moins de 2 milliards de francs chacune, ce nest sûrement pas pour le bien de lhumanité. Par contre, cest un premier pas vers louverture de la sécurité sociale au capital. La sécu, cest 1800 milliards dont 630 pour la branche maladie.
Cest un gâteau que les capitalistes aimeraient bien dévorer. Pour ça, lEtat prépare le terrain. Il a commencé par une vaste campagne dintoxication médiatique sur un pseudo-déficit, fruit de ses impayés et de ceux du patronat, de leurs multiples réductions ou autres exonérations. Parallèlement, il a organisé son étatisation en remplaçant les cotisations par un impôt, la C.S.G. et fait voter le budget de la sécu par lassemblée nationale. Maintenant la logique comptable fait le reste, cest à dire dicte les coupes sombres dans les établissements de soins. Bref, quand la sécurité sociale aura fini dagoniser sous les coups de butoir étatiques, nos gouvernants lauront déjà vendue morceau par morceau et seule la loi du profit régnera.
De nombreuses associations se sont montrées réservées sur le projet. Parmi les syndicats qui ont réagi mollement seule la CGT a haussé un peu le ton, salarmant de lentrée des intérêts privés dans le domaine de la sécurité sociale. Quant à la CFDT, elle ny est pas hostile. Forte du peu de résistance soulevé par son projet, Martine Aubry en profite pour porter son avantage plus en avant. La mise en place de la CMU devrait être accompagnée de mesures telles que la révision de la liste des médicaments et des soins remboursés en fonction de lutilité présumée de ces derniers.
Jusquà aujourdhui, rien na véritablement fait reculer le plan Juppé, pas même le formidable mouvement social de 1995. Toutefois les personnels hospitaliers commencent à remuer. Les grèves se multiplient. Elles sont parfois très longues comme à lhôpital de Montluçon (3 mois) et souvent largement soutenues par la population. Malheureusement, ces luttes ont lieu établissement par établissement, minimisant leur valeur et leur efficacité. Là où des victoires sont acquises, lEtat ne fait que déplacer des ressources prévues ailleurs. La donne pourrait bien rapidement changer mais quand ? Les attaques portées sur la fonction publique et notamment les retraites pourraient bien faire exploser la baraque. La revendication dune sécurité sociale ouvrière, gérée par nous mêmes et pour nous mêmes devra y trouver un large écho.
Pour assurer la pérennité du financement des assurances sociales, il faut axer sur la nécessité de gagner des augmentations de salaires donc de cotisations sociale. La taxation des revenus du capital est une impasse car elle bénéficiera uniquement à lEtat qui la redistribuera à quoi il voudra. Il nous faut exiger la suppression de la C.S.G. et le retour équivalent aux cotisations sociales, la suppression des réductions et exonérations des « charges » patronales. Il y a aussi besoin dunifier lensemble des travailleurs en clarifiant la situation des salariés du secteur agricole car leur caisse est la même que celle de leurs patrons. Nous devrons réaffirmer que la Sécurité Sociale nest pas lÉtat même si celui-ci la contrôle. Pour sa sauvegarde réclamons sa véritable autonomie. Enfin, il faudra faire avancer lidée que les administrateurs de la sécurité sociale doivent être sous le contrôle permanent des assurés avec des mandats impératifs et révocables à tout moment.