Parents séparés de leurs enfants nés sur le territoire national et confiés à lassistance publique, malades du sida reconduits dans un pays dépourvu de structure de soins, réprimé dans son pays mais ne pouvant obtenir lasile politique pour des questions de diplomatie, sans papiers dont le seul crime est de fuir la misère Une fois sur le territoire national, « leldorado des droits de lhomme », ces sans papiers se trouvent « clochardisés », poussés à la délinquance ou exploités par un patronat qui voit de par son statut dans cette population une main duvre plus corvéable, plus docile Aucun argument ne pourra justifier cette logique dexclusion. Et il nest malheureusement pas étonnant de constater que ceux et celles qui tiennent des arguments « On ne peut pas accueillir la misère du monde » sont ceux et celles qui la tolèrent, qui refusent de combattre ce qui génère la misère. Ce constat est dautant plus logique que lexclusion du sans papier, le licenciement de louvrier relèvent dune même logique : celle du profit.
Voici donc quelques témoignages recueillis par le collectif anti-expulsions (CAE) de Nantes. Ces témoignages montrent linadmissible et surtout posent la question suivante à toutes les personnes hésitant à réclamer la régularisation de tous et toutes : où se situe la limite, la frontière entre le bon et le mauvais sans papier
« Les forces armées de lEcomog en Sierra Leone arrêtent, frappent, menacent de mort une mère de famille, Sarah, pour quelle leur livre son fils ayant combattu avec les forces rebelles. Fuyant son pays, elle arrive en Belgique sans ressource et sans passeport. Elle est aussitôt fouillée, questionnée puis enfermée dans un centre de rétention. Elle introduira deux demandes dasile. Le premier entretien dure un quart dheure sans interprète, le deuxième avec une avocate commise doffice quelle rencontre un quart dheure auparavant. Le rapport révèle plusieurs erreurs quelle conteste mais elle nest pas entendue. Elle est emmenée de force dans le centre de rapatriement de Meslsbrock : pas le droit de sortir, pas de déplacement libre à lintérieur du bâtiment, les familles sont séparées, les enfants sont sans traitement particulier Nouveau centre de rétention de Steenokkerzeel, la sécurité y est plus dure : cellule sordide, gardes spéciaux et odieux, caméras intérieures/extérieures, fouilles, déplacements sous escorte, changement de cellule si vous êtes soupçonnés de quoi que ce soit Lexpulsion se fera de force. Elle pourra sy opposer deux fois mais à la troisième elle y sera contrainte par la violence »
« Wannin a 18 ans lorsquelle décide de quitter la province de Wenzhov (au Sud de Shangaï) pour venir rejoindre sa famille à Paris. A Shangaï, elle sarrange pour recevoir une lettre dinvitation et un certificat dhébergement. Après plusieurs semaines, elle obtient un passeport. Mais pour sortir du territoire chinois, il faut avoir un visa de sortie délivré par le consulat français. La demande de Wannin est rejetée. Elle obtient tout de même un faux visa par lintermédiaire dun passeur et de la mafia locale. Wannin prend alors lavion pour Bucarest où un passeur lattend. Elle lui donne plusieurs mois de salaires pour faire le trajet de Bucarest à Paris en voiture et elle finira de le payer en travaillant. Elle arrive enfin à Paris dans ce quartier chinois créé après la première guerre mondiale. Elle y retrouve sa famille, mais elle trouve aussi la clandestinité. Pour vivre et payer son passeur, Wannin travaille dans un atelier clandestin de confection textile. Après quelques mois, Wannin fait une demande dasile à la préfecture qui transmet son dossier au ministère de lIntérieur. Sa demande est rejetée et Wannin reçoit une invitation à quitter le territoire français dans un délai dun mois. À cette époque Wannin rencontre une jeune chinoise qui comme elle est « sans papière ». Elles participent à un collectif de sans-papiers. Mais Wannin est arrêtée dans le métro et conduite dans un centre de rétention.
Elle fait appel à la décision préfectorale et passe devant le tribunal administratif. Nouveau rejet, et après neuf jours elle est expulsée. À son arrivée elle est arrêtée, puis jugée pour sortie illégale du territoire. »
« En 1994, Lahcen est mêlé à une bagarre : lun des protagonistes se retrouve avec le nez cassé, et Lahcen est jugé en mai pour coups et blessures. Il est condamné à six mois de prison ferme. Ce jeune marocain a vingt ans (arrivé en France à lâge de 3 ans, et qui y vit depuis lors avec toute sa famille) et une carte de résident de 10 ans. Il décide de faire appel, et voit sa peine alourdie au tribunal de Rennes : la peine de prison est confirmée et aggravée dune interdiction de territoire dun an ! À sa sortie de prison, en mars 1995, Lahcen est donc directement conduit au centre de rétention où tout recours lui est impossible. Il est expulsé 2 jours plus tard vers un pays où il connaît personne, le Maroc La famille de Lahcen multiplie les démarches de recours mais en vain En mars 1996, (lannée dinterdiction écoulée) Lahcen fait donc une demande de visa comme tout étranger « lambda », pour rentrer chez lui en France. Cette demande est rejetée comme celles quil a depuis déposées »
« M. F. R (roumain) sest marié avec une Française en Roumanie le 20 août 1993. Après retranscription du mariage sur les registres détat-civil français par le consulat de France à Bucarest, il obtient un visa pour rejoindre son épouse en France en juin 1994, avec une vie commune depuis. Puis il a demandé une carte de séjour à la préfecture de Loire Atlantique. La décision est suspendue à une réponse des autorités allemandes, dans le cadre des accords de Schengen. Or il avait demandé lasile politique en Allemagne, qui lui avait été refusé. Or depuis son dossier est bloqué : la préfecture de Loire Atlantique attend que les autorités allemandes veuillent bien le rayer du fichier Schengen. Avec plus de 2 ans de vie commune, il demande sa nationalité française mais étrangement on lui demande des pièces inhabituelles comme les preuves que madame soit française depuis trois générations »
Ces parcours que lon croise par dizaines, par centaines illustrent une société policière où la puissance de linformatique est mise au service dun fichage généralisé de la population, où les étrangers servent de prétexte pour justifier des lois dexceptions afin de mieux contrôler les populations, où notre vie en général est déterminée par des lois construites par des États et des capitalistes