Yougoslavie : la dictature des armes

Civils, rassurez-vous, nos armes sont intelligentesMercredi 24 mars, 20 heures, l’opération " force déterminée contre la Yougoslavie " a débuté. Des tirs de missiles de croisière partis de bombardiers et de navires de guerre américains déployés sur l’Adriatique, suivis de frappes aériennes ont détruit des objectifs militaires en Serbie, au Monténégro, au Voïvodine et au Kosovo. L’initiative européenne de Rambouillet qui cherchait une solution diplomatique au conflit kosovar a échoué. La solution guerrière promulguée depuis plusieurs mois par la bureaucratie américaine a été mise en place par l’OTAN faisant fi de la démocratie. En effet les raids ont commencé sans le feu vert de l’O.N.U., ni l’aval des parlements des nations qui participent à cette opération. Ce n’est que le lendemain, en simples vassaux, que Canada, Grande-Bretagne, Allemagne, Pays-Bas, Italie, Espagne, France ont confirmé leur participation par les déclarations de leurs pouvoirs exécutifs. L’Assemblée nationale et les groupes politiques n’ont pu s’exprimer en France que le 26 mars. Ces mascarades confirment la nature des soit disant démocraties parlementaires. Il en fut de même pour l’O.N.U., ce machin à la solde du puissant qui mit en avant un article d’accord avec l’OTAN. Encore une fois, tout s’est passé au-dessus de la volonté des peuples. Mais comment en est-on arrivé à cette extrémité ?

L'échec de la conférence de paix

Avant la reprise de la négociation, la situation sur le terrain avait été aggravée par la radicalisation de l’U.C.K à travers les propos d’Adem Demaqi, la recrudescence des combats, et l’arrivée de blindés lourds de l’armée yougoslave.Pourtant le lundi 15, la délégation des Albanais du Kosovo avec à sa tête Hashim Thaqui a officiellement fait savoir qu’elle acceptait le projet d’accord proposé à Rambouillet par la communauté internationale. Mais, les Kosovars l’avait adressé en priorité à Mme Albright, secrétaire d'état américain sous forme de camouflet aux européens, en isolant, ainsi Milosevic. Par ce geste, ils se sont tournés eux aussi vers les États-Unis et non vers l’Europe qu’ils suspectent de tiédeur à leur égard ainsi que d’inefficacité militaire. Or, c’est cette analyse qu’a toujours suivi le président serbe pour qui les États-Unis sont le seul pays négociateur qui comptait à ses yeux. Bafoué par l’attitude de la diplomatie étasunienne, isolé par le ralliement de ses ennemis, Milosevic s’est accroché à ses principaux arguments : Le Kosovo, berceau de la Serbie ne peut pas en être détaché ; il n’y aura pas de troupes étrangères contre sa volonté, sur le sol de la Serbie. Il faut ajouter à cela les risques sérieux de dérapage en Bosnie depuis l’arbitrage international défavorable aux serbes sur la ville de Brcko. Dans des prises de positions diplomatiques en dents de scie, le pouvoir Serbe avait fait une proposition, vite reprise, d’accepter une certaine autonomie du Kosovo, garantie par la présence des casques bleus de l’O.N.U. Cette dernière parue insuffisante aux États-Unis, qui en obtenant l’adhésion de la délégation kosovar sous forme d’allégeance avait bloqué la stratégie de Milosevic. Cette démarche présentée comme un succès, s’est avérée un piège, qui pousse à un inévitable conflit, dont les Albanais du Kosovo pourraient être les dindons de la farce. Dans ce contexte " l’obstination forcenée " des missions américaines de Richard Holbrooke ne pouvait aboutir qu'à la guerre. Une guerre occidentale qui a déjà entraîné dès le premier jour l’opposition de nations à arme nucléaire comme la Russie, la Chine, et l’Inde.

Les conséquences du conflit

S’il fallait une intervention militaire contre la Serbie, pourquoi les États-Unis à la tête de l’OTAN ne sont pas intervenus plus tôt, lorsque ce pays était confronté à des conflits extra territoriaux ? Les conséquences politiques d’une guerre, dans le schéma du monde actuel, sont très incertaines. En frappant pour la première fois un pays qui n’a ni envahi, ni menacé des territoires extérieurs, l’OTAN à pris le risque de créer un précédent qui peut entraîner dans le futur des conséquences multiples et dangereuses. Dans des zones comme l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Asie, l’Amérique du Sud où des minorités ethniques sont maltraitées, voire massacrées, voilà un nouveau prétexte de faire la guerre. De plus l’issue de cette guerre qui renchérit sur la guerre est des plus problématique. Tous les scénarios des plus optimistes au plus catastrophiques, qui feront la substance des médias, seront du domaine du possible.

Milosevic le véritable ennemi de la Serbie

Si l’on ne peut pas masquer une certaine responsabilité des États-Unis qui veut renforcer son rôle de gendarme (ripoux) du monde, le président Milosevic est l’ennemi de son propre peuple. Il a entraîné son pays dans trois guerres, en Slovénie, en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, dont il est sorti vaincu. Il persiste dans sa logique guerrière au Kosovo comme s’il voulait rendre impossible toute cohabitation pacifique entre les populations de l’ancienne Yougoslavie. Pendant le conflit croate, les Serbes ont du fuir la Krajina qu’ils habitaient depuis des siècles, actuellement c’est le Kosovo, les missiles et les bombes de l’OTAN. Milosevic est le spécialiste de la " purification ethnique " et c’est contre sa population qu’il se révèle le plus efficace. Il connaît la faiblesse des serbes qui se considèrent comme les mal aimés des Balkans, les parias de l’Occident. Sa démagogie nationaliste qui veut redonner la fierté a son peuple, a un succès, celui d’entraîner la majorité à ses côtés. Il peut compter sur une armée qui est marquée par l'héritage titiste. Sa force est une militarisation des civils sous forme de partisans. Chaque serbe en âge de porter les armes peut se transformer en soldat. Par hantise d’une invasion, son territoire et truffées de caches d’armes. Grâce à ces garanties, ce dictateur n’a qu’un seul but celui de conserver le pouvoir par tous les moyens. L’attaque de la fédération yougoslave par l’OTAN conforte encore son pouvoir en présentant la Serbie comme une nation martyre.

La politique de Milosevic est désespérée, elle peut conduire à un émiettement des Balkans qui est la zone géopolitique la plus fragile de l’Europe. Peuple serbe ne vous laissez pas entraîner par la dictature des armes. En écoutant Milosevic et sa bureaucratie fasciste vous allez devenir par une dérive mortifère vos propres ennemis. N’oubliez pas : Milosevic n’est pas immortel. Quant il ne sera plus là, il laissera des hommes et des femmes meurtris dans une région ruinée.

Michel Sahuc - groupe La sociale (Montpellier)