Journée européenne pour les sans-papiers

Une Europe sans frontières

A l’appel de nombreuses organisations la manif européenne du 27 mars devait être l’occasion d’un grand rassemblement européen pour exiger un changement radical de la politique migratoire de l’ensemble des pays appartenant à l’Union Européenne. Elle s’est faite sans 3.000 les Italiens et sans-papiers albanais, ainsi que les quelques militants français venus les soutenir à Vintimille.

Le mouvement italien des " Invisibles " (très actifs dans les centre sociaux) a décidé d’affréter un bateau au départ de Valona (Albanie) convoyant une délégation de la société civile albanaise. Cette délégation revendique la mise en place d’un centre d’accueil en Albanie, structure qui serait financée par l’Union Européenne afin de permettre à tous les réfugiés d’entrer de manière légale en Italie, donc dans l’espace Schengen, et d'éviter ainsi de tomber entre les mains des réseaux mafieux qui " gèrent " très fréquemment les passages à la frontière.Ainsi le 26 mars, 3.000 personnes (une très large majorité d’italiens militants d’extrême gauche, la délégation albanaise, et des sans-papiers) ont rallié Vintimille par quatre trains spéciaux mis à disposition par les autorités italiennes. La pratique des trains gratuits, imposée par la lutte sociale, est courante en Italie. Les militants refusent de fournir leurs papiers par solidarité.

A l’appel d’AC ! 13, le Comité anti-expulsions Marseille et le Scalp Marseille, et après de nombreux contacts avec les " Invisibles ", une délégation du Sud-est se rend à Vintimille, en transport gratuit, afin de les soutenir et revendiquer la liberté de circulation et d’installation, ainsi que la gratuité des transports.

A Vintimille, nous avions l’intention d’embarquer à bord du " Vintimille-Paris " de 20 heures afin de nous rendre à la manif du lendemain. À la gare, les 3 000 personnes attendent sans qu’aucun débordement ne soit à déplorer. Cependant la ville est bien fliquée et pas mal de commerçants ont baissé les rideaux.

Jusqu'à 20 heures, nous attendons la mise en place du second train nécessaire à l’embarquement de tous. L’Italie a mis à disposition les wagons mais la SNCF refuse de filer la locomotive. Elle a transposé son départ en gare de Menton, où sont présent une bonne centaine de CRS, et de nombreux policiers issus du commissariat de Menton mais aussi de la Police aux frontières et des services de douane. Déjà dans la journée, tous les trains en provenance d’Italie subissent un contrôle d’identité.

Au lieu de nous décourager, sur le coup de 21 heures, nous décidons de rejoindre la frontière française à pied, dix kilomètres à pied sous une pluie battante. Le cortège est des plus déterminé et enthousiaste, nous en profitons pour apprendre un peu d’italien : " Europa sensa confini " (une Europe sans frontière) et " Siamo tutti clandestini " (nous sommes tous des clandestins). A peine avons-nous parcouru les premiers kilomètres, nous apprenons que de nombreux renforts CRS se sont transportées à la frontière. La frontière est fermée, personne ne peut passer. Jospin a décidé de d’outrepasser Schengen au nom de la sécurité d'État.

Manœuvres policières, manœuvres politiques

Nous nous arrêtons à quelques centaines de mètres de là, à l’abri d’un tunnel. Les organisations décident d’envoyer une délégation pour négocier le passage. Un cordon est mis en place car pas mal de personnes souhaitent le face à face.Toute la soirée les organisations feront tout pour calmer le jeu, n'hésitant pas à manier la désinformation " mille CRS ", " des blindés ", " la Légion serait mobilisée à Nice ". En contournant le cordon, nous avons constaté que même si le barrage était conséquent et quasi-infranchissable, les forces en présence étaient loin d'être aussi nombreuse… La carotte est aussi maniée : " Incident diplomatique entre la France et l’Italie ", " cellule de crise au PC harcelé par les Invisibles " (l’opération est soutenue par Refondazione et les Verts italiens), " la majorité plurielle sur le point d’imploser ". Après quelques heures d’attentes sous ce putain de tunnel humide, en plein courant d’air, la dispersion est à l’ordre du jour et s’opère dans le calme. Retour à pied à Vintimille, où nous arrivons à 5 heures du mat'. Amertume car il nous devient impossible de rejoindre Paris en transport gratuit.

Malgré tout, le bilan est loin d'être entièrement négatif. Par notre détermination, nous avons obligé la France à fermer sa frontière. Coïncidence révélatrice, nous avons appris le lendemain que une cinquantaine de FN avaient manifesté la matinée à la frontière de Menton pour protester contre " l’Europe-passoire ". Selon la gauche plurielle nous faisons le jeu du FN, pour le combattre, eux appliquent leur politique…

La France a refusé qu’une délégation pacifique se rende à Paris afin de défendre ses opinions. Il semble plus facile de ravager un ministère…

De même la question des transports gratuits a été posé lors de notre voyage en France. Cela rejoint la problématique de la liberté d’expression, la liberté de circulation, et l’accès à la culture. Comment chômeurs et précaires peuvent-ils se déplacer et donc exprimer ces libertés en dehors du transport gratuit ? Le camarade Gayssot devrait réviser la différence entre libertés réelles et formelles… Quoiqu’il en soit nous nous rendrons par les mêmes moyens à Cologne, pour y défendre les mêmes idéaux.

Stéphan - groupe Marius Jacob (Marseille), CAE Marseille

Par ailleurs des cars de militants allemands venus soutenir la lutte des sans-papiers ont été arrété à la frontière Alsacienne et n’ont pu entrer en France pour venir participer à la manifestation.