56e Festival de Venise :

Ouvrons les grands, les yeux !

Eyes Wide Shut, ce titre malicieux du dernier film de Stanley Kubrick nous invite à regarder grandement au dedans. Pour un maître comme Kubrick, regarder au dedans, c’est contempler le paysage de nos obsessions et de nos rêves, bref de nos désirs.
 

Qu’il ait choisi ce titre pour une adaptation d’une nouvelle de Schnitzler (Traumnovelle) est une trouvaille. Que nous ne sachions pas qui a trouvé le titre, Kubrick ou son co-scénariste Frédéric Raphael, les livres qui accompagnent la sortie du film (le 15 septembre) nous l’apprendront. Le titre est une merveille, faire jouer le couple au centre de l’histoire par un vrai couple dans la vie, Nicole Kidman et Tom Cruise, est une très bonne idée. En revanche, que le cinéaste, Stanley Kubrick, a les yeux fermés pour toujours est d’une ironie amère et une très cruelle farce du destin.
 

Stanley Kubrick avait décidé des caches mis sur certains plans pour ne pas être frappé d’interdit (des moins de 17 ans). Mais il était ouvert à tout et regardait les films des autres. Cinéphile averti, il aurait sûrement aimé découvrir les films de Jane Campion Holy Smoke, de Zhang Yimou Not One Less, de Abbas Kiarostami Le vent nous emportera et de Philippe Garrel Le vent de la nuit. Ce n’est donc que justice que Eyes Wide Shut ouvre le 56e Festival de Venise. Seul festival au monde à s’appeler festival de « L’Art cinématographique », son titre pose une question fondamentale. Le cinéma est un art, mais aussi une industrie. « Je ne fais pas de films, dit Godard, je fais du cinéma ! »
Le Vent de la nuit
Les 18 films de la compétition viennent de 11 pays différents, ça va, c’est cosmopolite. Les films français en compétition, Pas de scandale de Benoît Jacquot, Rien à faire de Marion Vernoux, Le vent de la nuit et une coproduction franco-belge Une liaison pornographique avec Nathalie Baye au générique présentent plutôt l’irréverence que le conformisme. Dans la section « Sogni e visioni » (Songes et visions) Les Amants criminels de Francois Ozon (voir ci-contre) sont en bonne compagnie avec les américains Wes Craven Music of the Heart et Joe Johnston Oktober Sky, un film de l’italien Davide Ferrario et une coproduction germano-russe-autrichienne, Moon Father, à la réputation libertaire.
 

Une rétrospective Akira Kurosawa et des films restaurés dont les Vitelloni de Federico Fellini complètent le programme. Jerry Lewis et le rire recevront un Lion d’Or, alors que Scorsese, ami du festival, montrera son film Il dolce cinema en clôture. Regardons donc avec les yeux grands ouverts au dedans et au dehors, si le cinéma vient à bout de tout.

Heike Hurst (Fondu au Noir)