CINEMA

Les Amants Criminels

François Ozon

Une jeune fille (Natacha Régnier) désire follement un jeune beur. (Salim Kechiouche). Mais le jeune beur drague aussi d'autres nanas. Comment venir à bout d'une passion ravageuse (non consommée) serait donc la question centrale du film. Qui n'est pas passé par cet état? Aimer l'autre comme danger suprême, vouloir posséder l'autre pour toujours comme leurre... Mais au lieu de relever ce défi, le film de Ozon se pâme sur les rivages de la misogynie et s'essouffle. Car la fille va demander à un autre garçon (Jérémie Renier), amoureux d'elle, de tuer le beur aux pouvoirs séducteurs.

Plate-bandes balisées: racisme, sexisme, misogynie avec un zeste de sadisme et très peu d'humour. Puis commence un deuxième film. Le conte cruel de l'ogre pédophile et cannibale. Il, (Miki Manojlovic), va enfermer ces deux gamins, se taper le garçon et manger la fille, dit-il. Le puceau assassin va aimer ça. Sa copine enfermée en dessous, entend tout et se met à rêver, voyant dans son délire l'homme-ogre en train d'étrangler le jeune homme qu'ils avaient tués. Ainsi jouit-elle. Il fallait nous l'expliquer, évidemment. Cette deuxième partie est très bien filmée, magique par moments. Mais la forme techniquement aboutie n'arrive pas à cacher les faiblesses du scénario et de sa réalisation. Voilà pourquoi le jeune surdoué du cinéma français, Francois Ozon, Regarde la mer, Sitcom, déçoit avec Les Amants criminels. Le fait divers ou les faits divers ayant inspirés le film, ont bon dos. Loin des sublimes Amants de la nuit de Nicolas Ray, le film déroule sa litanie : désir, crime, sang, angoisse de l'abandon sans nous toucher. J'ai retenu un seul plan. Les deux jeunes se lavent après l'enfermement et l'humiliation. Ils se baignent dans une nature sauvage. La caméra plonge et saisit leurs corps nus, de dos, dans l'eau transparente. Il leur a été donné de vivre cela. Car l'histoire se termine mal et c'est normal. Qui va mourir ? La fille, évidemment. Et qui va clamer l'innocence de l'ogre : « il n'a rien fait, il n'a rien fait...! » le garçon, évidemment.

Heike Hurst (Fondu au Noir - Radio libertaire)