Italie : objectif atteint pour la « fiera dell’autogestione »

Spezzano Albanese, 19, 20, 21 et 22 août 1999.

Pour la sixième année de suite, la « Foire de l’autogestion » a occupé l’actualité libertaire transalpine de la fin août, un mois après une édition régionale dans le nord de la péninsule. Une fois n’est pas coutume, la Fiera jeta l’ancre dans une petite ville de la Calabre, au sud de l’Italie, région pauvre vivant essentiellement de l’agriculture.
 

Un choix qui ne s’est pourtant pas fait au hasard : depuis le début des années 90 existe à Spezzano Albanese, 6000 habitants, une expérience communaliste autogestionnaire, qui aujourd’hui regroupe plus d’une bonne centaine de personnes dans la Fédération Municipale de Base (FMB), structure qui prit en charge l’accueil de la foire.
 

Quand la diversité fait la qualité

La diversité des gens et des expériences autogérées qu’ils représentaient apporta aux débats proposés l’expérience de la lutte : ainsi le premier d’entre eux, intitulé « défendre l’espace naturel, défendre la santé », fut mené ? entre autres ? par des membres de « comités de base » qui dans toute la péninsule, et notamment en Toscane, se battent contre les incinérateurs, l’amiante et aux autres problèmes liés à l’activité capitaliste nuisant directement à la santé. Sujet surprenant s’il en est puisqu’en France le mouvement libertaire n’est pas très habitué à ce genre de débats, que l’on pourrait croire chasse gardée (!) des écolos de tous poils : il existe cependant bel et bien une approche anticapitaliste du problème.
 

Le débat intitulé « pour une économie autogérée » se déroula le vendredi, deuxième jour de la foire, après que de nombreux groupes de travail destinés à proposer des outils de coordination des luttes abordées se soient réunis. Animé par des membres de communautés agricoles autogérées, occupant parfois des terres laissées à l’abandon spéculatif, il porta essentiellement sur la problématique agricole et les échanges non commerciaux de leurs productions respectives.

Le samedi, qui fut le point d’orgue de la foire, comprenait deux débats, l’un intitulé « Ni d’église, ni d’État, pour une école publique non étatique » ; et l’autre portant sur le « Municipalisme : l’autogestion comme pratique communaliste en dehors et contre la logique étatiste ». Animé notamment par Domenico Liguori, un des militants à l’origine de la FMB de Spezzano Albanese, il fut d’un intérêt exceptionnel à plus d’un titre pour tous les militants présents. Enfin le dimanche matin s’est tenue l’assemblée générale de la « Fiera », moment décisionnel durant lequel furent adoptés différents outils destinés à la coordination de « l’archipel de l’autogestion » (bulletin, serveur Internet). A noter la sortie, fruit de ce travail, d’un « catalogue de l’autogestion », petit bottin des différentes expériences autogérées, comprenant leur curriculum vitae et les services offerts et demandés par chacune d’entre elles, et qui ne demande qu’à s’enrichir par delà les frontières. Et comme toute foire qui se respecte, le reste du temps fut joyeusement occupé au son des concerts, des verres qui s’entrechoquent, de la corvée de patates ou des chants qui retentissent aux heures tardives de la nuit.
 

Groupons-nous et demain

Bien au delà des débats, cette sixième foire de l’autogestion fut pour nous l’occasion de rencontrer tout cet « archipel », que ce soient nos camarades de la FAI (Fédération anarchiste italienne), comme des syndicalistes de base, des membres de communautés agricoles autogérées, des animateurs de journaux anarchistes. La présence d’une telle diversité de militants et d’outils du mouvement libertaire, italiens ou non (étaient aussi présents des anarchistes de Stockholm) a sans aucun doute servi de stimulant à l’aboutissement du travail de coordination.
 

Alors que de plus en plus, dans l’Europe capitaliste en construction, les « acquis sociaux » dans l’éducation, la santé, les transports, la retraite. sont l’objet d’attaques qui risquent d’en supprimer purement et simplement l’accès à ceux qui ne pourront plus se les payer, toutes les gauches « combatives » des pays de l’Union se contentent de défendre les services publics d’État. Le discours anarchiste ne se borne pas quant à lui à vouloir préserver un statu quo déjà inégalitaire, mais vise à opposer à leur démantèlement une appropriation collective des usagers et des travailleurs de ces services, au moyen de l’autogestion et du fédéralisme, c’est-à-dire sans délégation ni intermédiaires. Les longues années de travail effectuées autour des « foires de l’autogestion » ont cette année à Spezzano Albanese abouti à donner des moyens supplémentaires à la coordination concrète de différentes réalités autogérées de l’Italie, mettant ainsi en actes un embryon de société autogérée. Parce que l’autogestion ça s’apprend, et parce que nous n’avons jamais été des adeptes du « matin du grand soir où ». Un travail qui doit aussi avoir force d’exemple.

Xavier. ? groupe Proudhon (Besançon)