Faits d’hiver

Car chez ces gens-là,  monsieur…

De lui, « on » n’aurait jamais cru cela !


Pensez ! Un ministre ! Et pas n’importe quel ministre, un ministre de l’Intérieur ! Et pas le ministre de l’intérieur de n’importe qui ! Celui du général de Gaulle ! Celui que le général avait chargé le 31 mai 1968 de mater « la chienlit révolutionnaire » ! Un homme d’ordre donc ! Un homme aux ordres ! Un homme dur ! Sans état d’âme ! Un chêne de Noël illuminé par toutes les vielles valeurs du terroir ! Un bloc maçonné travail, cimenté famille et bétonné patrie ! Un vrai chrétien bien sûr ! De lui, de sa rigueur austère et hautaine, on savait qu’il n’y avait rien d’autre à attendre que des coups. L’interdiction de « La Case du Peuple », c’était lui. L’élaboration de la loi anticasseurs destinée à mater les derniers enragés d’un printemps trop bref et à casser les reins aux grandes luttes des années 70, c’était encore lui. Il avait la répression chevillée à l’âme, mais il en faisait un combat pour la défense d’un certain ordre, de certaines valeurs et d’une certaine morale.


Il ne manquait, bien évidemment, pas d’argent. Cet homme, ce ministre de l’Intérieur, ce défenseur de l’ordre, ce chien de garde du vieux monde et de ses vieilles valeurs, ce bourgeois, ce chrétien… vient d’être condamné par le conseil des prud’hommes de Paris à verser 162 188 F à Joséphine, sa bonne péruvienne, sans-papiers, qu’il a employé sans la déclarer de 1988 à 1998. Qu’il faisait bosser, sans protection sociale aucune, du lundi au samedi. Qu’il rénumérait de ci de là avec de temps à autre un petit billet de 500 F à la fin de la semaine. Et qu’il a viré, séance tenante, quand il lui a demandé de venir bosser le dimanche et qu’elle a refusé. C’est pas Dieu possible !


Raymond Marcellin, ce Pasqua aux petits pieds, ce moine soldat de la mise au pas de l’immigration, aurait enployé une sans-papier ? Ce Clemenceau de la défense de l’ordre aurait employé quelqu’une sans la déclarer ? Ce chrétien bon teint en aurait croqué de l’esclavagisme ? Ce bourgeois plein aux as se la serait joué rapla… Et ben oui ! Chez ces gens-là, monsieur, c’est toujours comme ça !


Ça a toujours été comme ça et, n’en déplaise aux ceapules staliniennes du PCF, qui, il y a trente ans nous traitaient de gauchistes-Marcellin (l’hitlero-trotskisme étant passé de mode), et qui aujourd’hui roulent carrosse avec les cousins germains de ces gens-là, nous sommes de plus en plus nombreux à nous battre pour qu’il en soit autrement !

Jean-Marc Raynaud