Interview de la Confédération paysanne

Nous refusons de produire de la merde

Voici la synthèse de trois interviews réalisées pour Radio libertaire. José, Jean-Emile, Jean-Pierre, agriculteurs adhérents à la Confédération paysanne de l'Aveyron, du Gard. Deux sont inculpés dans l'action contre le Mac-do de Millau.

Radio libertaire : Quel était l’objectif de votre action ?


Un militant de la CP : L’action du 12 août contre le Mac-Do de Millau a été élaborée afin de protester contre un dictât des États-Unis. En effet, l’Union européenne a décidé de suspendre l’importation du maïs transgénique, en partie, grâce à la campagne que nous avons mené. Les États-Unis, ont décidé (par mesures de rétorsion contre la non-importation de bœuf aux hormones américain) de taxer à 100 % certains produits dont le Roquefort. Il faut savoir que ce fromage fait vivre toute la région: les paysans, mais aussi les salariés des caves coopératives. De plus, nous avons réussi à ce que ce fromage soit vierge de tout lait produit avec des brebis ayant mangé des végétaux génétiquement modifiés.


Nous avons démonté ­ et non pas détruit ­ un Mac-Do en construction de notre région. Mais nous voulions aussi aller plus loin, c’est-à-dire porter sur la place publique le débat sur la qualité des aliments que les gouvernements et les industriels agricoles veulent nous imposer (paysans, salariés et consommateurs). Depuis quelques années, les scandales se succèdent : vaches folles, pollution de l’eau en Bretagne, poulets nourris avec des boues industrielles, etc. Pour nous ce n’est pas dû au hasard ou à la malchance, mais au système productiviste. C’était une action « citoyenne » et non corporatiste comme le fait la FNSEA.

R.L. : Pourquoi ?


À la Confédération paysanne, nous pensons que nous ne pouvons pas isoler ce qui se passe dans notre secteur (l’agriculture) du monde extérieur, les problèmes sont liés et ont la même origine. La « mal-bouffe » ou les licenciements dans une usine ont une origine commune : la mondialisation. Quelle agriculture voulons-nous pour demain ? Quelle nourriture voulons-nous demain ? Ce débat n’appartient pas qu’aux paysans. Ce sont tous les citoyens qui doivent décider.

R.L. : Cette guerre économique ne fait que commencer ?


Une réunion planétaire pour l’organisation du commerce mondial à lieu à Seattle (États-Unis) au mois de novembre. C’est donc maintenant qu’il faut mettre la pression, car bien évidemment ni les gouvernements, ni les multinationales ne nous demanderont notre avis. Il est nécessaire que salariés, paysans-producteurs et consommateurs s’allient pour combattre ce processus dont le seul but est de faire de l’argent ! Par exemple, nous sommes contre la concentration des terres. Nous préférons quatre fermes moyennes qu’une seule immense. Nous refusons de produire de la « merde » (dangereuse pour la santé) pour le plus grand nombre de nos co-citoyens et des « produits bios et chers » pour une élite. Nous sommes pour une agriculture paysanne où les paysans seraient fiers de ce qu’ils produisent.


Les directives, les normes européennes que nous subissons sont toutes faites pour nous faire disparaître. Les investissements qu’elles nous imposent sont trop lourds pour des exploitations moyennes, familiales qui travaillent sur la qualité des produits. Sur l’élevage, aucune contrainte, ce qui favorise ceux qui donnent n’importe quoi à manger aux brebis (les farines industrielles). Par contre sur la transformation du lait en fromage, on nous fait comprendre qu’il serait plus simple d’utiliser l’eau distribuée par la Lyonnaise ou CGE déjà aux normes, plutôt que de l’eau source avec à la clé de multiples contrôles sanitaires à nos frais. Les normes ne sont pas très efficaces, puisque la plupart des bavures sont arrivées chez des marques qui les respectent.

R.L. : Vos arrestations remettent en cause l’action syndicale


C’est aussi une évidence, si après chaque manifestation ou défilé, l’État arrête des manifestants et leur demande une caution de 100 000 F, toute revendication est impossible. Ce d’autant plus, qu’il y a en la matière, deux poids et deux mesures. Quand le bureau de Mme Voynet est complètement détruit par un commando de paysans de la Beauce dont on connaît les revenus, personne n’est arrêté, ni inquiété. Il faut dire que ceux-ci ne remettent pas en cause le fondement de ce système, mieux ils le cogèrent, la FNSEA est aux commandes de tous les lobbies qui sévissent dans le monde agricole.

R.L. : Vous avez reçu des soutiens de partout…


Oui, cela prouve que nous avons réussi à mobiliser autour de ce thème en France comme à l’étranger. Mais nous refusons toute récupération politicienne, malgré les efforts de certaines organisations d’extrême gauche pour se faire mousser. À la Confédération paysanne, les responsables n’ont pas le droit d’avoir de « postes » dans un parti politique au niveau national et départemental.

synthèse réalisée par Wally