L’ultralibéralisme
des élus locaux
Le 27 août, au 9e jour du conflit,
la grève s’étend à l’ensemble des services de ramassage
des déchets, public comme privés. La population manifeste
alors son mécontentement en mettant le feu aux ordures (jusqu’à
70 départs de feu par jour) ou en les épandant sur la chaussée.
Le 31 août, la mairie craignant
les risques épidémiologiques tout en jouant la carte de la
dramatisation charge 12 personnes de nettoyer le quartier de Noailles (centre-ville)
après un rapport inquiétant de la DDASS. L’accord est signé
le soir même.
Ce conflit soulève plusieurs questions,
principalement celle du désengagement de l’Etat et des collectivités
territoriales de la vie locale, du moins de ses impératifs quotidiens.
Le ramassage des déchets, qui est un service public directement
financé par nos impôts, est sujet à spéculation
et prise d’intérêts de la part des « autorités
» politiques. La conséquence visible et instantanée
de ce capitalisme d’État est la dégradation des conditions
de vie des employés : aujourd’hui ceux de la société
privée Bronzo, naguère ceux des membres des services
de santé… Toutefois, les velléités ultra-libérales
de nos élus locaux trouvent leur point d’arrêt dans le réalisme
d’une telle action : même en déplaçant les contraintes
sur des employés du secteur privé, les nécessités
économiques ne font pas toujours loi. Sur le plan professionnel,
ceux qui effectuent le service public, dans le cadre d’un travail régit
par la règle du marché, se retrouvent soumis à deux
pressions antagonistes : d’une part l’exigence du service public, qui doit
assurer la qualité de la vie collective ; d’autre part l’engrenage
marchand qui soumet le travailleur à la « nouvelle précarité
» (rendement au détriment des conventions collectives, des
conditions de sécurité, et même de la loi, comme le
disait un protagoniste du conflit).
Quant aux usagers, il est évident
que la qualité des prestations se dégrade sous l’action de
cette volonté libérale. Il s’en suit une « nouvelle
précarité » du quotidien : il devient urgent de réinventer
ce fameux service public, dont l’inexorable rabotage fait disparaître
l’illusion d’un minimum vital qui nous serait garanti par l’institution.
Certains ne pourraient voir dans de telles
luttes qu’un épiphénomène social. Elles comptent pourtant
parmi les signes les plus visibles de la démission lentement négociée
de l’État au profit de l’économie.
Groupe Marius Jacob.
(Marseille)