EDITORIAL
Kosovo, printemps 1999, à deux heures
d’avion de Paris, les journalistes occidentaux nous présentaient
l’intervention de l’OTAN comme une opération militaire nécessairement
indispensable. Il s’agissait, ni plus ni moins, de libérer cette
région du joug serbe et de se battre pour faire triompher les valeurs
humanitaires. À les écouter, sous nos yeux, un nouvel ordre
mondial basé sur le respect des individus était en train
de naître. Bavures, accidents, dégâts collatéraux,
autant d’expressions que les perroquets de l’OTAN nous assénaient
lorsque les avions ultra-sophistiqués des gendarmes du monde tuaient
des innocents.
Timor-Oriental, cinq mois plus tard, à
420 kilomètres au Nord de l’Australie, les démocraties laissent
les militaires indonésiens préparer un nouveau massacre à
l’occasion de la mascarade du référendum sur l’autodétermination.
Mais, à coups d’éditos révoltés, de billets
d’humeurs indignés, de chroniques scandalisées, les mêmes
journalistes s’agitent pour sauver le Timor-Oriental en réveillant
la conscience de l’opinion… 24 ans après les premiers crimes de
l’armée indonésienne ! 24 ans de silence complice des médias.
Pendant 24 ans, les médias ont menti par omission, par idéologie
pour servir les intérêts des classes dirigeantes. Le 5 décembre
1975, Ford et Kissinger étaient à Djakarta. Ils ont demandé
de retarder l’invasion jusqu’à leur départ. Le 7 décembre,
les bombes pleuvaient sur Dili. A cette époque, G. Bush était
le chef de la CIA. Quel journaliste a demandé des comptes à
Kissinger ou Bush ?
A défaut de pouvoir tabasser à
tout va dans les démocraties, les classes possédantes se
servent des médias pour filtrer l’information afin de modeler les
opinions. La surveillance des esprits remplace le bâton et les médias
nous fournissent chaque jour du prêt-à-penser. De là
découle une représentation du monde exclusive.
Or, démonter les manipulations
médiatiques demande du temps et de l’énergie qu’on n’a pas
forcément après une journée de boulot. Ainsi, il est
plus commode de gober du sport ou de s’apitoyer sur les dégâts
occasionnés par tel cyclone. Tenir les gens à l’écart
de ce qui compte, voilà la manière dont l’endoctrinement
fonctionne dans les démocraties. Au service du pouvoir et de l’argent,
les médias tentent d’acculer les gens à l’apathie et d’annihiler
toute volonté de transformation sociale. Dans ces conditions, faire
barrage au travail de sape idéologique s’avère un préalable
indispensable pour arriver à une contestation sociale généralisée
du système. C’est ce à quoi s’emploie chaque semaine le Monde
libertaire, mais aussi d’autres journaux dissidents, qui produisent une
analyse critique et diffusent des pistes de réflexions et d’actions
alternatives. Car plus que jamais un autre monde est possible.