Ni guerre humanitaire ni paix armée !


Si les luttes sociales d’ici démarrent avec lenteur en ce début d’automne, l’actualité internationale est elle extrêmement lourde d’événements dramatiques. Outre le Timor Oriental et la Russie où la terreur est extrême, nombreux sont les pays touchés par la répression militaire ou para-étatique. Les tensions sont quotidiennes entre l’Inde et le Pakistan, la guerre sévit en Afghanistan comme en Colombie, en Ethiopie comme au sud du Soudan, au Congo comme en Sierra Leone pour n’en citer que quelques cas.
 

Par ailleurs la paix armée et imposée règle le sort des populations en Irak comme au Kosovo, à Chypre comme en Palestine et l’armée impose sa conception de la démocratie en Turquie comme en Algérie. Tout cela en dit long sur les libertés réelles dont peuvent jouir les individus sur presque toute la planète.
 

L’armée,  clé de voûte des États

Au-delà de l’histoire particulière à chaque pays, il reste que les classes politiques au pouvoir ont en commun d’avoir recours à la violence, institutionnelle ou para-militaire, pour imposer leur politique. L’armée reste partout la clé de voûte de la « stabilité » des États.
Cependant la disparition de l’URSS et la nouvelle phase d’expansion du capitalisme oblige les États occidentaux à repenser la fonction et l’organisation de leurs machines militaires.


Si l’objectif premier des interventions extérieures reste le contrôle de pays ou de zones considérées stratégiques et vitales, les justifications politiques présentées aux populations prennent des formes « citoyennes ». Après diverses tentatives plus ou moins réussies (guerre contre l’Irak et diverses forces d’interposition en Afrique et au Kosovo) une réglementation internationale se crée petit à petit et il semble que les populations européennes en particulier, acceptent passivement ces interventions présentées comme humanitaires. Aujourd’hui ces politiques interventionnistes apparaissent encore confuses quant à leurs motivations, mais il convient d’être extrêmement lucide sur la générosité affichée par les États dominants.
 

Contrôler les populations… pour faire du fric

Il y a tout d’abord lieu de dénoncer une entreprise idéologique visant à éradiquer tout espace et toute expression d’antimilitarisme puisque l’armée professionnelle européenne qui s’organise sous nos yeux aurait comme seule fonction de faire peur aux dictateurs et aux méchants terroristes. Ce qui est loin d’être le cas puisque ces militaires s’entraînent tout spécialement à contrôler, voire à réprimer des situations insurrectionnelles pouvant se créer ici-même.
 

Par ailleurs nous ne pouvons que constater que leur humanitarisme est à géométrie variable selon l’intérêt économique et géopolitique de la zone concernée. Par exemple les massacres qui ont eu lieu au Rwanda n’ont pas été empêchés, tout comme ceux du Kosovo ou du Timor Oriental.
 

Par contre la présence des forces militaires sensées séparer les belligérants instaure de vastes camps d’internement où des millions de personnes survivent tant bien que mal des surplus alimentaires sans jamais voir de solution politique leur permettant d’acquérir une réelle autonomie leur assurant un avenir individuel et collectif digne de ce nom. Au bout du compte tout fonctionne comme s’il s’agissait de faire en sorte que les régions intéressantes pour la mondialisation soient économiquement contrôlées et pour le reste que les autres se démerdent dans leur cloaque avec leurs chefs de clan et la terreur de masse qui va avec. Il nous semble important de rappeler que la création de forces militaires d’interventions extérieures ne va pas permettre l’éradication des guerres. À terme ce sera sans doute le contraire qui se produira.
 

Tout au plus, pour le moment, vont-elles imposer la loi du plus fort, c’est-à-dire celle des capitalistes marchands de canon ou pas qui créent,entretiennent et profitent des discours nationalistes.
 

La paix ne s’impose pas à coups de crosse

Les tous nouveaux militaires humanitaires ont aussi comme fonction de saper dans l’œuf toute initiative et toute volonté des populations à résoudre par elles-mêmes les problèmes politiques auxquels elles sont confrontées puisque leur intervention concerne les effets et non les causes de la guerre et de la misère économique. Cette action produit ses effets aussi bien auprès des populations qui subissent la terreur et les violences qu’ici-même où nous nous sentirons confortés d’avoir bien de la chance de vivre dans un pays riche et en paix. Encore faut-il savoir de quelle paix il s’agit et jusqu’à quand !


Car à n’en pas douter les ambitions affichées par nos gouvernements qui prétendent semer la paix et la prospérité à coups de crosses de fusils de militaires est de la poudre aux yeux. Les faits montrent à quel point l’hypocrisie est de mise et avec quelle facilité les États s’accommodent des dictateurs pour peu qu’il y ait des affaires à faire. Et ce n’est pas l’attitude du gouvernement Jospin qui pourra nous faire changer d’avis. Qu’en est-il de nos relations avec la Chine, le Maroc, l’Afrique francophone et même le Kosovo où le champion de l’ingérence humanitaire, un certain Kouchner, part en vacances quinze jours après avoir reçu son mandat de grand pacificateur et alors que les kosovars le perçoivent déjà comme un roitelet qui les méprise. À n’en pas douter nous allons nous retrouver dans quelques années avec une situation internationale où l’ordre sera maintenu à coups de troupes d’interventions face à des mouvements populaires hostiles à leur présence. Ce qui ne va pas manquer d’être dramatique.


Plus que jamais prenons nos marques et affichons fièrement notre total antimilitarisme ! À bas toutes les armées !

Bernard. ­ groupe Déjacque (Lyon)