L’avenir du nucléaire

La technocratie impose ses choix !


L’entêtement de la technocratie française et la servilité des politiques à son égard est une chose « hénaurme » qui prêterait au fou rire si les dangers n’étaient pas au rendez-vous. En matière nucléaire malheureusement ces dangers sont là et bien là, ils concernent le présent mais aussi les générations futures. L’été qui se finit a vu une série de décisions d’importance pour l’avenir du nucléaire en France, la France étant, par ailleurs, le seul pays où un avenir est possible pour le nucléaire dit civil, et c’est dans cette singularité que l’on peut mesurer « l’hénaurmité » de la techno-bureaucratie à la française. Notre journal a déjà évoqué (ML du 9 sept.) les décrets de la fin juillet, autorisant l’extension de l’usine Melox de Marcoule pour fabrication du mox, un « nouveau » combustible mélangeant uranium et plutonium. Le 6 août c’est l’autorisation d’installation et d’exploitation du fameux « laboratoire » de l’ANDRA, site souterrain de soi-disant étude (en fait futur site de stockage des déchets hautement radioactifs). D’autre part EDF, Framatome et Siemens ont signé le vendredi 9 juillet un accord en vue de renforcer leur coopération dans le domaine nucléaire et plus particulièrement pour le développement du projet EPR (European Pressurized Water Reactor). Cet accord a pour objet d’harmoniser les organisations d’ingénierie jusque-là différentes en France et en Allemagne. Il a pour champ d’application notamment, le projet EPR, réacteur du futur, destiné à remplacer progressivement les centrales nucléaires vieillissantes.
 

Framatome : l’exception des privatisations

Passons rapidement sur la routine du nucléaire existant, par exemple, l’autorisation de chargement de Civaux 2 alors que Civaux 1 a toutes les peines du monde à redémarrer après l’incident « stupéfiant » du 12 mai 1998 (nouvel incident en août induisant une suspension du redémarrage !), et que le problème d’une prolifération des amibes n’est toujours pas réglé.


Arrêtons-nous un instant sur le fabuleux renforcement de l’État dans l’actionnariat de Framatome, leader mondial de la construction des chaudières nucléaires. Fin juillet on apprenait le deal passé entre Alcatel et l’État : Alacatel se retirait de Framatome (l’entreprise possédait 44 % des actions de Framatome) en échange d’une participation accrue dans le capital de Thomson-CSF, l’État détenant désormais (principalement par le biais de la Cogema et le CEA) pas moins de 80 % du capital de Framatome.


À l’heure des privatisations et de l’agitation tous azimuts des fusions-acquisitions, on mesure la confiance des industriels et des investisseurs dans le développement du nucléaire ! Le « leader mondial » de la construction du nucléaire n’intéresse personne (en tout cas tant que son chiffre d’affaires repose essentiellement sur le nucléaire, ce qui est en train de changer à grande vitesse par la diversification des activités), tout est dit sur l’avenir du nucléaire.


Bien sûr le gouvernement français assure que cette opération n’est qu’une première étape visant à préparer le terrain pour l’ouverture du capital à des partenaires européens. En fait à un seul partenaire, l’allemand Siemens, avec lequel a été signé le fameux accord sur l’EPR. Mais Siemens fait durer le plaisir (son patron déclarait le 23 juillet : « Siemens ne prendra pas de participation dans Framatome car mes actionnaires ne comprendraient pas que j’investisse dans ce secteur où la croissance ralentit » - Le Monde du 30 juillet).
 

Les Verts grotesques

Si la technocratie française avance dans le vide (une habitude, voir le Concorde, le surgénérateur, etc), les écologistes de gouvernement moulinent dans le vide. Les décrets dont nous avons parlé ont tous été gentiment contresignés par Mme Voynet tandis que le parti Vert menaçait de s’étrangler d’indignation… pour la galerie.

En direction du menu peuple du parti, les leaders Verts ont multiplié les déclarations tapageuses lors de leur université d’été (c’est quand même la camarade ministre qui tient le pompon avec son annonce bidon de demande de référendum bidon), ils ont obtenu de longue lutte (!) une déclaration de Jospin sur un débat « démocratique » à venir sur le nucléaire. Le résultat de ce débat est connu d’avance (Il faut continuer le nucléaire : pensez aux emplois, aux milliards d’investissement, à la grandeur de la France et de sa recherche scientifique, et aux bénéfices à tirer d’être le dernier pays à favoriser le nucléaire ­ soit le pays référent, tenant le quasi monopole pour le retraitement et la fabrication des combustibles ­, enfin pensez à l’effet de serre, etc).


Ce pseudo débat démocratique qui se prépare n’a qu’un but : permettre à un membre de la gauche plurielle, les Verts, de sauver la face et de revenir sur sa promesse de quitter le gouvernement en cas de poursuite du programme EPR (La ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, Dominique Voynet, a estimé que « si une "décision irréversible" était prise sans débat dans le domaine de l’énergie nucléaire, alors la première explosion nucléaire serait celle de la majorité ». Dépêche AFP du 24 août : tout la nuance est dans le « sans débat »). La campagne du réseau « Sortir du nucléaire »* contre le projet EPR (réseau indépendant des Verts mais jusqu’à quand ?) est bien d’actualité, car, encore une fois, si le nucléaire n’a qu’un pays d’avenir c’est bien la France et ce que nous préparent la technocratie française et ses valets gouvernementaux, braves petits soldats du nucléaire dans la débâcle généralisée, est rien moins qu’inquiétant !

Luc Bonet


* Pour info : Réseau « Sortir du nucléaire », 9, rue Dumenge, 69004 Lyon.
À signaler : la préparation d’une manifestation nationale contre le nucléaire, à l’initiative des Verts, fin novembre (faut bien occuper les militants pendant que la ministre et ses conseillers préparent et signent les décrets !), il serait bon que le mouvement libertaire puisse faire entendre à cette occasion une voix différente, d’autant plus que de nombreux anarchistes ou sympathisants sont présents dans les comités locaux antinucléaires et y font du bon boulot !