PERIGUEUX

Une grève aux allures buissonières

A Périgueux, depuis le 20 septembre, les lycéens et lycéennes sont ­ comme l’an passé ­  dans les rues. « Au lycée de Chardeuil (lycée professionnel du bâtiment), il n’y a même pas de proviseur et la bouffe est immangeable (comme presque partout) ; l’internat est dégueulasse et la salle d’informatique reste fermée. L’an dernier, au LEP Picasso, le plafond s’est effondré ; il n’y a pas de gymnase, comme au lycée du Cours de l’Arche (encore un lycée professionnel). Pas assez de profs, des classes surchargées, des emplois du temps démentiels, trop d’heures… À l’heure où les politiciens parlent des 35 heures, les lycéens en ont parfois quarante, sans compter le travail personnel à la maison. »


À Périgueux comme ailleurs, les lycéens se sont réveillés avec le goût amer des promesses non tenues. Lundi 20, au LEP Picasso, la colère face à des emplois du temps inacceptables provoque une première AG, puis les élèves partent faire le tour des lycées de la ville. Trois jours plus tard, ils sont 1 200 dans les rues de cette petite ville d’à peine plus de 30 000 habitants. Pourtant, ce jeudi 30, ils ne sont plus qu’une soixantaine dans les rues à battre le rappel. Si les animateurs de la lutte se disent prêts à monter au ministère pour se faire entendre, ils ne cachent pas non plus une crainte de l’essoufflement et du manque de motivation de nombre d’entre eux, pour qui la grève se fait dans les différents bars de la ville.


« Nous avons bien du mal à nous coordonner nationalement. Ceux de l’an dernier sont maintenant en fac, et il ne reste rien de la coordination. Localement, on bosse avec la FIDL et le SNES nous aide sur le plan de la logistique. Le besoin se fait sentir d’une vraie coordination. Ici, nous avons des contacts suivis avec les lycées du département, notamment Exideuil et Ribérac ; au-delà, c’est moins évident. Ce que nous souhaitons, c’est que les enseignants nous rejoignent dans cette lutte le plus vite possible. »


Il faut penser que de plus en plus de collégiens accèdent au lycée ; nombreux sont ceux qui sont confrontés à des difficultés, voire des échecs, dans des matières fondamentales (français, maths, langues) : il n’est plus possible pour les profs et la communauté scolaire de compter sur leur motivation ni sur leurs compétences à travailler de façon assidue, voire forcenée : c’en est terminé ­ et tant mieux ­ du lycée réservé aux « bons élèves ». La prise en compte de cette réalité récente suppose bien évidemment la mise en place de moyens conséquents : oui, les classes sont dans ces conditions surchargées ; oui, les profs sont trop peu nombreux pour faire face aux difficultés ; oui, les emplois du temps sont démentiels. Mais comment dégager ces moyens lorsqu’on se vante de réformer l’Education sans débourser un centime, et lorsqu’on prône des valeurs libérales qui sont celles de la compétitivité et de la rentabilité.


Le mouvement lycéen d’octobre 1999, derrière sa légèreté apparente, révèle un profond malaise qui engage l’avenir de l’Education : se donne-t-elle pour mission de former des citoyens qui par leur situation économique, leur précarité, seront exclus de la vie de la cité ? Apprendra-t-elle à penser, à éprouver le plaisir de la découverte, à jouir de la vie ? Dans ce cas, elle pourrait bien conduire à des révoltes autrement plus radicales…

Bruno et Thierry (Périgueux)