éditorial
Il y a une quinzaine d’années à
peine, le capitalisme se servait du modèle industriel japonais pour
justifier les plans de licenciements massifs dans la sidérurgie
et l’industrie automobile. Renault devait être privatisée
et son organisation totalement repensée pour faire face à
l’invasion annoncé des petites « fourmis jaunes » selon
les propos d’une première ministre socialiste. Aujourd’hui Renault
est cotée en bourse et ses salariés évalués
par une hiérarchie qui s’arrogent des stocks-options en prime de
leurs services rendus. Avec le recul nous comprenons mieux que les salariés
japonais à qui l’on tient un peu près le même discours
de préservation de l’intérêt national qu’à nous,
se sont fait rouler dans la farine depuis des lustres pour finalement être
traités de la même manière que n’importe quel immigré
coréen ou africain. Pour eux aussi le mythe de la garantie de l’emploi
à vie vole en éclats.
En économie il n’y a pas plus qu’avant
d’ennemi privilégié. Les coups peuvent venir de n’importe
qui, n’importe quand et n’importe où. En conséquence il faut
avoir des analyses et des stratégies globales qui ne laissent guère
de place aux états d’âmes et nécessitent parfois de
sacrifier ses meilleures troupes. C’est ainsi que Renault, actionnaire
à hauteur de 36,8 % de Nissan vient d’ordonner par l’intermédiaire
de son « cost killer » ou « tueur de coûts »
de larguer 21 000 des 148 000 employés de Nissan au Japon. Bien
entendu l’exécuteur, un certain Carlos Ghosn, qui a fait ses classes
chez Michelin, une référence, jure sur ses trois enfants
qu’il agit ainsi pour préserver l’essentiel et permettre la pérennité
de la marque et la préservation des emplois.
Du déjà entendu au point
qu’on ne sait si l’on doit en rire ou exploser.
À noter que la toute nouvelle culture
d’entreprise Renault va aussi être exportée chez Nissan et
qu’ainsi les ouvriers et employés de Nissan vont découvrir
les joies des entretiens personnels annuels pour déterminer leur
valeur, tout comme des hauts cadres vont enfin pouvoir engranger des stocks-options
à la française.
Le comble sera atteint au printemps prochain
lorsque nos joyeux élus de la gauche plurielle vont proposer un
impôt moralisateur des stocks-options et peut-être même
oser une taxation sur les transactions financières selon les vœux
d’ATTAC. Avec de telles révolutions l’exception du capitalisme à
la française va sûrement s’exporter encore mieux et à
n’en pas douter les chômeurs d’ici, du Japon et les crève-la-faim
de toute la planète vont reprendre espoir.
C’est pour quand l’invention du ridicule
qui tue ?