Loi sur les 35 heures
Hypocrisie plurielle et galère salariale
C’est le samedi 16 octobre 1999, vers une
heure du matin, que les députés ont achevé l’examen
de la seconde loi sur les 35 heures. Ce marathon politique et médiatique
aura duré deux ans et ne pouvait s’achever autrement. Les rodomontades
des Verts et du PC ne doivent tromper personne. Cette partie jouée
d’avance et truffée de faux psychodrames à gauche avait été
émaillée par des déclarations comme celle de Robert
Hue, le 2 décembre 1997, qui qualifiait alors la première
mouture de la loi Aubry de « bon projet de loi » ! Pourquoi
diable aurait-on voulu qu’il change d’attitude aujourd’hui ? (quant à
la pseudo combativité des Verts sur ce chapitre, il est bon de rappeler
qu’ils demandaient en novembre 1997 que « la promesse des 35 heures
tout de suite et des 32 heures avant la fin de la législature soit
tenue ». Autant dire qu’on est loin du compte mais qu’ils ont voté
quand même pour le projet social-démocrate de la répartition
du temps de travail qui va entraîner de nombreuses régressions
sociales et salariales : développement du travail à temps
(et donc à revenu) partiel, remise en cause des conventions collectives,
extension du travail le week-end, gel ou régression des salaires…
Et tout cela avec des contreparties d’embauches qui sont dérisoires
si l’on en juge par les chiffres récemment communiqués (quelques
dizaines de milliers) et sans dangers pour le monde de la Finance qui continuera
à faire ses bénéfices sur la vie et la santé
de nous tous et toutes. Nous avons bien affaire là à une
nouvelle adaptation du système productif capitaliste, pas à
une remise en cause des fondements et de la répartition de la production
qui reste toujours entre les mains de quelques-uns au détriment
du plus grand nombre. La social-démocratie met en pratique son pacte
social basé sur la précarité croissante qui favorise
le repli social et la frilosité politique.
Marchandages
Dans l’hémicycle de l’Assemblée,
certains députés de gauche ne pouvaient pas cacher que si
PC et Verts avaient « arraché » du gouvernement des
garanties d’embauches en cas d’octrois de financements de la RTT, ils n’avaient
pas cherché de noises à propos de la coexistence des SMIC
« 35h » et « 35h payées 39 » ce qui est
pourtant une brèche dans le maintien d’un revenu minimum interprofessionnel.
Quoi d’étonnant quand on se remémore les questions des sans-papiers,
du nucléaire, des revendications des chômeurs, de la participation
aux troupes de l’OTAN contre Milosevic, le rétablissement de l’autorisation
administrative des licenciements…
Autant de tensions où PC, Verts
et MDC n’ont jamais lâché Jospin, jusqu’à organiser
des manifs comme celle du 16 octobre pour y dénoncer… le chômage
mais surtout pas ceux qui l’organisent ! Cette manifestation, calcul politicien
de R. Hue en direction des contestataires de son parti, et en direction
de Jospin pour contrebalancer le poids des Verts, a étonné.
Il est désormais évident que si les écolos sont plus
forts électoralement, le PC garde une assise sociale et populaire
certaine. Même si, pour cela, il est prêt à emprunter
tour à tour une image non marxiste, gauchiste voire libertaire (1).
Si l’on débarrasse cette manifestation de ses oripeaux politiciens,
on ne peut quand même pas oublier que parmi les dizaines de milliers
de personnes qui ont défilé, certaines n’étaient pas
là par soutien à Jospin. En tous les cas, beaucoup étaient
présentes pour dénoncer les situations de misère tout
en dénonçant l’insolence des riches et de leur système.
II faut alors redire que si les états majors de gauche le voulaient
vraiment, la volonté populaire pouvait se manifester bruyamment,
y compris sous un gouvernement de gauche. Ce qui veut dire aussi que si
ces machines politiciennes n’encouragent pas la riposte antisociale, c’est
qu’elles sont objectivement complices de ce qu’elles dénoncent faussement
tout au long de l’année.
Une manif pour rien ?
La meilleure démonstration de toute
cette hypocrisie, c’est la présence des gentils révolutionnaires
de LO-LCR à cette manifestation. Déclarant partout qu’ils
ne feraient pas de concessions au gouvernement, Arlette et Alain se sont
retrouvés au premier rang, bras dessus bras dessous avec les personnalités
représentant les organisations pantoufles du PCF. De fait, ils défilaient
aux côtés de ceux qui encadraient les manifestants en faisant
taire leurs colères.
Autre enseignement de l’initiative communiste
: le poids des communistes au sein de la CGT. Officiellement, le syndicat
avait repoussé la proposition de manifester, mais outre le secrétaire
général lui-même, de nombreux syndicats de la CGT étaient
bien là. Nos camarades anarchosyndicalistes affiliés à
la centrale de Montreuil n’en ont donc pas fini de lutter contre le stalinisme
d’une partie de la hiérarchie syndicale et contre la normalisation
social-démocrate qui découle de l’adhésion à
la Confédération Européenne des Syndicats d’autre
part.
Ceux qui estiment que la guerre sociale
ne cessera qu’avec l’abolition du capitalisme ont toujours devant eux les
mêmes ennemis politiques. Gouvernements, partis, patronat : ils ne
sont que des pièces d’un puzzle qu’il faudra bien défaire
un jour. Mais pour cela, il faudrait aussi que les anarchistes n’aient
plus de complexes à aborder à leur tour les questions récurrentes
qui font naître les mobilisations de masse, sous peine d’en être
absents pour toujours.
Daniel. groupe du Gard
(1) Dans son numéro de juin,
la revue communiste Regards publie un entretien de Noam Chomsky, célèbre
linguiste et libertaire américain. Dans la revue communiste La Pensée
du ler trimestre 1999, sont évoquées les conceptions anarchistes
à propos de la question de l’État et de la propriété
sociale. Efforts louables mais qui ne leurreront personne j’espère…