Bilan de la journée la journée d’action du 16 octobre

Contre la forteresse Europe


Le 16 octobre dernier s’ouvrait le sommet européen de Tampere autour de la sécurité et de la justice. Officiellement, d’après Antonio Vodorino, commissaire européen de la justice, « il faudrait à la fois assurer les libertés de circulation mais aussi la sécurité des personnes et des biens ». à peine voilé dans cette phrase, l’objectif est évidemment de protéger les biens. Avec l’Europe de Maastricht ou de l’euro, l’organisation des profits et l’augmentation des marges sont bien organisées, reste à ficeler leur sécurité. Et c’est bien dans ce sens qu’il faut comprendre les politiques de sécurité européenne et en particulier au niveau de l’immigration. L’objectif est donc de disposer d’une main-d’œuvre immigrée, parce qu’elle est surexploitée et qu’elle permet de maintenir dans tous les secteurs professionnels un taux de chômage suffisant pour faire pression sur les salarié(e)s (peur du chômage, réduction des coûts salariaux…). Pour répondre à cet objectif, il faut contrôler, maîtriser les flux migratoires selon des intérêts strictement économiques. Les CAE (Collectif Anti Expulsion) ont donc lancé une journée d’action le 16 octobre, car « non seulement la politique européenne s’attaque au peu de liberté qui nous reste (renforcement des lois d’exception, développement et recoupement des fichier…) mais elle se permet d’instituer plus précisément la gestion marchande de 80 % de la population mondiale ».
 

Des actions solidaires

Les différents réseaux européens ont voulu marquer leur opposition. En France, à Nantes, 40 personnes ont occupé une agence Air France ; à Lille, un rassemblement était organisé devant la direction départementale du travail ; à Toulouse, une manifestation s’est déroulée devant l’aéroport, à Tours, devant la gare. À Paris, 120 personnes ont trompé la surveillance des douaniers et des forces de police et ont envahi la zone internationale de l’aérogare de Roissy afin d’y distribuer des tracts en plusieurs langues et en collant de multiples autocollants « Sans patrie ni frontière »… L’occupation aura tenu 20 minutes, puis la manifestation s’est poursuivie encadrée par des forces de l’ordre jusqu’au RER. En Allemagne, l’aéroport de Francfort a été bloqué avec des ballons enveloppés de papier aluminium. Cet aéroport n’avait pas été choisi au hasard puisque 10 000 personnes y sont expulsées tous les ans. À Berlin, c’est une banderole qui a été déployée sur le toit de l’aérogare : « Pour vous, c’est le départ en vacances, pour d’autres, c’est un voyage vers la mort… ». En Belgique, les passagers de l’aéroport de Bruxelles ont pu admirer une belle banderole hors de portée des force de l’ordre car suspendue à des ballons. En Italie, comme en Suisse, plusieurs manifestations ont eu lieu devant des centres de rétention. Et même en Pologne, une manifestation s’est déroulée contre le quartier général de la police des frontières près de la frontière allemande…
 

Vers des réseaux efficaces

Cette journée d’actions voulait marquer un refus de la logique d’exclusion et de contrôle. Certes, notre mobilisation n’a pas été suffisante pour peser sur la politique européenne mais elle s’inscrit dans la nécessaire construction de réseaux européens contre le refus de toute logique d’expulsion et pour la liberté de circulation et d’installation. Le mouvement des sans-papiers est dans une certaine impasse et recherche un second souffle. Revendiquant, depuis 1996, une autonomie politique et le refus du cas par cas, les sans-papiers dépendent malgré tout des associations de soutien (seules en capacité de mobiliser…). Or ces soutiens (blancs et avec des papiers), plus ou moins proches de la gauche plurielle, défendent l’idée d’une gestion responsable de l’immigration (avec son fameux seuil de tolérance) et font donc implicitement une distinction entre les bons immigrés et les méchants clandestins. C’est face à cette contradiction qu’il faut comprendre la nécessité de renforcer ces réseaux et collectifs anti-expulsions. Nous refusons de gérer les contradictions internes du capitalisme et nous ne pouvons pas objectivement trier entre asile politique ou migration économique.

Théo Simon. ­ groupe F.A. Nantes