Nucléaire

De qui se Mox-t-on ?

La politique énergétique de la France ressemble à un étroit couloir. D’un côté, les grandes compagnies pétrolières, avec leurs traditions coloniales et l’apologie des transports individuels. De l’autre, le lobby nucléaire avec ses promesses d’abondance et en transparence (?) l’ombre chinoise d’un champion militaro-économique. Et ces deux rails fermement balisés mènent tout droit à un mur. L’alternance politique n’y change rien : Mitterrand a suivi De Gaulle et Jospin accompagne Chirac.  Le Mox (combustible nucléaire composé d’un mélange d’oxydes d’uranium et de plutonium) en est une démonstration explosive : avant les élections législatives de 1997, un accord Verts-PS promettait un moratoire sur sa fabrication et son utilisation jusqu’en 2010. 

Dès 1998, l’accord se fissurait avec le chargement en Mox de quatre réacteurs français. L’usine Melox de Marcoule (Gard) et la Cogéma s’impatientaient, les Japonais désirant récupérer leurs déchets de plutonium traités à La Hague sous forme de Mox : le 30 juillet dernier (1), Jospin, son secrétaire d’État à l’industrie et la ministre de l’Aménagement du territoire et de l’environnement signaient le décret d’extension de l’usine Melox, pour une capacité de 115 tonnes/an de Mox, avec un maximum de 14 tonnes de plutonium (le millionième de gramme est mortel !).


Le collectif national « Stop Melox » (2) dénonce la traîtrise de Dominique Voynet. Il a décidé d’attaquer ce décret en conseil d’État et de déposer plainte auprès de la commission européenne.  Déjà dans le bulletin de janvier 1997, le Comité « Stop-Nogent » (3) titrait : « Verts : l’usufruitier qui dilapide le capital » et démontrait que l’accord Verts-PS était de la poudre aux yeux électoraliste et présageait des trahisons douloureuses pour les adversaires du nucléaire.  Pourtant les traîtres continuent de manger à notre table.
 

Hypocrisie plurielle

Préconisant, sous prétexte de réalisme, une sortie (très) progressive du nucléaire, ils distribuent d’une main des tracts antinucléaires et signent de l’autre, bon gré mal gré, tous les décrets nécessaires à l’organisation du nouveau programme électronucléaire : enfouissement des déchets nucléaires à Bure (Meuse), démarrage d’un second réacteur à Civaux (Vienne), malgré un incident sérieux sur le premier en mai 1998, commercialisation du Mox… la prochaine étape étant le feu vert pour la fabrication de centrales EPR (réacteurs à eau pressurisée européens). 


Mais les Verts ont l’habitude du grand écart : ils sont signataires d’une campagne pour un moratoire (ça ne mange pas de pain) sur le financement du laser Mégajoule dont le prototype sera testé à La Barp (près de Bordeaux) dès 2001 et permettra la simulation d’essais nucléaires et donc de continuer la course aux armements (4). 


Avec de tels ennemis, les nucléocrates ont de beaux jours devant eux. Bien sûr, beaucoup parmi les Verts se posent des questions sur le bon usage du pouvoir et, à défaut de sortir du nucléaire, de l’opportunité de sortir du gouvernement, mais pendant ce temps les combats se perdent dans des voies de garage, les militants se découragent et le tout-nucléaire se propage.  Pourquoi donc la droite éprouverait le besoin de se recomposer, alors qu’une gauche d’apparence hétéroclite poursuit les mêmes objectifs, que ce soit en matière énergétique ou pour tout ce qui préoccupe notre vie de citoyen, tout cela pour obéir à la sacro-sainte loi du marché.
La participation des anarchistes au combat antinucléaire n’est pas nécessaire pour rompre le consensus politique, elle est indispensable.

Bob. ­ groupe du Gard


(1) lire « Pendant l’été, la démocratie oubliée «, numéro d’octobre du mensuel Silence.
(2) c/o Marc Faivet. Quartier Saint-Hilaire, 84560 Ménerbes.
(3) c/o Nature et Progrès. 49, rue Raspail, 93100 Montreuil.
(4) Abolition des armes nucléaires, « Stop essais ». La Ville, 71250 Mazille.