La lutte antifasciste est toujours nécessaire


La scission du Front national a eu lieu il y a maintenant presque un an. Les divers règlements de comptes entre factions adverses ont fini de mettre à genoux, les uns financièrement, les autres en nombre de militants une organisation qui ne cessait de progresser tant au plan électoral que sur le terrain des idées. Même si l’on ne peut que se réjouir de voir nos ennemis s’entre-déchirer, en a-t-on fini pour autant ?
Tout d’abord, n’oublions pas que malgré la mauvaise posture organisationnelle de l’extrême droite, le terreau sur lequel s’est développé le Front National n’a pas disparu. En effet, la précarité et la misère ne sont pas en voie de disparition, au contraire. Ensuite, même divisés, les FN disposent d’une infrastructure militante importante et d’un taux de sympathie non négligeable dans certaines parties de la société française. Mais le plus, c’est que les masques vont maintenant tomber. Depuis que la montée du FN est devenue un sujet préoccupant pour de nombreuses personnes, les organisations social-démocrates et leurs satellites se sont emparées du sujet. Après de nombreuses années de luttes antifascistes, beaucoup de militants et parmi les nôtres ont fait l’analyse que la seule dénonciation du FN n’était pas suffisante. En effet, non seulement, l’objectif de faire baisser l’influence de ce parti était un échec, mais en plus cela permettait à des organisations dites de gauche, Parti Socialiste en tête de se faire une virginité et un sujet de lutte tout en évitant d’aborder le fond du problème. Pendant que ces derniers condamnaient le FN, ils reprenaient (et continuent) à appliquer sur le terrain une partie de ses idées. Les deux domaines les plus flagrants à ce niveau sont la question de l’immigration (de Fabius avec ses mauvaises réponses aux bons problèmes aux charters des gouvernements successifs) et de la sécurité (avec récemment les plans locaux de sécurité).


Ces deux thèmes ont été clairement et délibérément introduits par l’extrême droite dans le débat politique français et repris allègrement et en cœur par les uns et les autres. Dans un même temps, quand on luttaient sur le terrain des sans-papiers, quand on répétaient que le nombre croissant de policiers n’était certainement pas une solution à quoi que se soit, quand on appelait à agir au lieu d’élire, on « faisait le jeu du FN ». En fait, dès qu’on se plaçait sur le terrain de la lutte contre les idées du FN et ses causes en plus du terrain contre le parti en tant que tel, on « faisait le jeu du FN ». Venant de la part de ceux qui ont facilité son accès aux médias et appliqué une partie de ses idées, la situation ne manquait pas de sel.


Evidemment, dans l’optique de pure lutte contre le FN, le but est presque atteint. Pour nous, elle ne fait donc que continuer, et dans une situation « idéologique » favorable. Le spectre du FN allant arriver au pouvoir aux prochaines élections n’est plus valide, les politiques xénophobes et sécuritaires n’ont plus aucun alibi vaseux.


Le problème est que si au niveau français, le FN a bien régressé, il n’est pas de même de tous les mouvements d’extrême droite au niveau européen. En Autriche, la FPO de Haider avec des références directes au IIIe Reich arrive en bonne place et Blocher de l’UDC en Suisse arrive premier parti électoral. Au-delà des diverses raisons propres à chaque pays qui nécessitent d’être analysées, on peut constater que dans un cas comme dans l’autre, c’est le rejet d’un système où la droite puis la gauche chacun son tour (ou ensemble), se partagent le pouvoir en bon gardiens du capitalisme. La conséquence est la désertion des urnes, ce qui n’est a priori pas pour nous déplaire ; cependant, le dégoût des isoloirs n’est pas du tout synonyme de reprise en main de la société par la population.


Ce qu’il faut en tirer, c’est que face à ce capitalisme « nécessaire » très largement admis dans la classe politique, il n’y a aucune alternative crédible autre qu’un repli réactionnaire sur des valeurs xénophobes et sécuritaires pour beaucoup et s’appuyant sur un État plus fort dans tous les cas. C’est pourquoi, face aux partis fascistes et surtout face à leurs idées où qu’elles soient, il nous faut porter le fait que le capitalisme et l’Etat ne sont pas des fatalités et crédibiliser et diffuser dans nos luttes le projet de société anarchiste basé sur des valeurs d’égalité économique et sociale et de solidarité.

Marc. ­ groupe « Un Autre Futur » (Montpellier)