Deux films de femmes
« Flores de otro mundo »
de Iciar Bollain
« Haut-les-cœurs » de Solveig
Anspach
Flores de otro mundo (Pleurs
d’un autre monde) de Iciar Bollain. La réalisatrice n’est pas une
inconnue. Actrice dans de beaux films, par exemple Land and Freedom de
Ken Loach, auteur d’un livre sur Ken Loach, Flores… est son deuxième
long métrage.
Les fleurs venues d’ailleurs sont des
femmes de Cuba ou d’Amérique Latine, ou des Espagnoles des villes,
seules comme la plupart des hommes dans ces villages. Elles veulent se
trouver un mari, un compagnon, ou tout simplement une liaison qui leur
permettrait d’avoir un jour des papiers. La caméra s’accroche aux
fesses rebondies de la belle Cubaine qui débarque comme une bombe
dans ce trou, ou son caleçon aux couleurs du drapeau américain
crée l’émeute, dessine avec humour les contours d’un couple
qui se forme entre un paysan avare de paroles et une belle Dominicaine
qui cherche un homme responsable pour ses deux enfants. Ainsi se créent
des relations assez surprenantes entre ces belles exilées et les
hommes totalement déphasés, car elles font valser la routine
et exigent une authenticité et luttent pour leur dignité
de femmes. Un beau film qui rapproche les cultures, fait accepter le métissage
et se coltine la difficulté de montrer la vie monotone à
la campagne sans déconsidérer les gens qui y vivent. Paysages
majestueux et interprètes convaincants.
Haut les cœurs de Solveig Anspach
Un film de femme par excellence : une réalisatrice
qui a vécu dans sa chair ce que son film raconte, une interprète
femme, Karin Viard, époustouflante. Voici l’histoire : une fille
enceinte de son premier bébé apprend qu’elle a un cancer
du sein. Première intervention médicale : il faut couper
le sein, couper court a la grossesse. Son compagnon surgit. Il sera plus
fort qu’elle. Disons il peut enfin le prouver. Viens, lui dit-il, on va
voir un autre médecin. Et selon cette nouvelle équipe, un
homme et une femme, elle peut mener sa grossesse plus loin, peut-être
même jusqu’à terme. L’ablation du sein va attendre, en fonction
du bébé à venir. Une chimio fera l’affaire jusqu’a
ce qu’il soit viable.

Le film s’installe dans tout ça : le
petit frère de la grande sœur malade, la maison qu’ils habitent,
les amis, les musiciens de la formation ou elle joue du violoncelle… tout
le monde existe et acquiert de l’épaisseur tout au long du film.
Les étapes de ce calvaire sont montrées dans la douleur,
mais aussi dans la force et le fou rire que la réalisatrice sait
leur donner.
C’est un film « leçon de
vie » où il n’y a jamais aucune règle. Où tout
est toujours possible et ouvert. Il y a un espace humain jamais entamé.
Haut les cœurs est un bonheur parce que la lutte pour vivre est l’évidence
heureuse du film.
Filmer la maladie qui avance n’a sûrement
pas été la question essentielle de la réalisatrice.
Comment dire qu’on a le cancer ?
Défendre son crâne mis à
nu, sauver sa peau trouée de partout… mettre toutes les chances
dans ce combat, même quand les conditions objectives ne sont pas
des plus favorables. C’est un film dont on sort heureux, lavé de
l’inutile, en harmonie avec l’essentiel.
Heike Hurst (Fondu au Noir-Radio libertaire)