L’armée a toujours été
un instrument d’oppression au service de l’État, oppression généralement
exercée sur des peuples étrangers. Il suffit, pour s’en convaincre,
de se plonger dans l’histoire et d’observer. Dès l’antiquité,
des troupes combattirent afin d’imposer l’autorité de ceux qu’elles
servaient, pillant les territoires conquis et permettant que les vainqueurs
puissent vivre en parasites sur les vaincus. Et précisons que les
seuls vainqueurs étaient les hommes de pouvoir, et non le peuple.
Ayant conscience de cela, nous pourrions maintenant nous étonner
de la soumission qui continue de régner, et qui laisse libre cours
aux appétits de ces quelques privilégiés. Pourtant,
les raisons en sont simples. D’une part, chaque État, quel que soit
son régime politique, utilise l’éducation afin de renforcer
son autorité. En France par exemple, cela consiste à façonner
de petits républicains en leur inculquant le respect des valeurs
nationales. Lorsque j’étais au collège ? et n’ayant que 24
ans, je n’évoque pas des temps lointains ? nous devions ainsi assister
à des cours d’éducation civ ique. Or, dans les pages de nos
manuels scolaires, plutôt que des leçons sur la vie en collectivité,
le respect d’autrui, etc. nous trouvions des explications sur le fonctionnement
des institutions nationales, sans bien sûr le moindre regard critique.
Imaginez donc un manuel évoquant les corruptions, les fraudes électorales,
les emplois fictifs…
Cependant, cette première institution
ne suffisant pas pour garantir aux puissants la préservation de
leurs intérêts, une seconde était nécessaire.
Là se dresse l’arsenal judiciaire, chargé de faire appliquer
la loi. Mais si la loi peut paraître respectable pour beaucoup, une
interrogation permet d’en éprouver les limites. En effet, qui sont
ceux qui éditent ces textes auxquels nous devons impérativement
nous soumettre ? Les hommes de pouvoir. La loi serait-elle alors injuste
? À cela je répondrais parfois par l’affirmative, l’ayant
vécu récemment. Pour m’être publiquement opposé
à une institution de l’État, pour avoir dit que j’ignorais
ce qu’était la nation, me sentant davantage citoyen du monde, pour
ne pas avoir dissimulé mon engagement au sein du mouvement libertaire,
j’ai été condamné à quatre mois de prison ferme.
Au cours des siècles, lorsque le péril fut trop grand pour les privilégiés, lorsque leur puissance fut remise en cause, ils n’hésitèrent pas à appeler l’armée afin de restaurer leur « ordre » à l’intérieur des frontières. En 1871 par exemple, les parisiens s’opposèrent au gouvernement qui voulait capituler face aux Prussiens, et proclamèrent la Commune. Les troupes versaillaises, fidèles à l’État, s’entendirent alors avec celles d’outre-Rhin pour imposer de nouveau, dans une répression terrible, leur autorité. De même, en 1894, l’armée ouvrit le feu sur des ouvriers en grève à Fourmies, parvenant ainsi à les soumettre.
Aussi, lorsque, le 6 septembre 1999, je me rendis à la caserne de Caipiagne, ce n’était pas pour endosser l’uniforme, ni pour me soumettre à ce principe selon lequel, comme me l’a si justement rappelé le procureur, « je dois dix mois de ma vie à la nation ». Par conséquent, en fonction de mes convictions personnelles, je refusais et condamne toujours toute forme de service national : le militaire, pour les raisons expliquées précédemment, et le civil parce qu’il permet de disposer des jeunes durant 18 mois à un salaire dérisoire, plutôt que de créer des emplois véritables.
Le 28 octobre, j’ai été définitivement réformé, l’armée considérant ma rigidité et mon engagement incompatibles avec son fonctionnement. Mais aujourd’hui, ayant fait appel du jugement, j’attends toujours que les juges choisissant la justice, et non la loi, et referment le casier judiciaire qu’ils m’ouvrirent le 18 octobre.