Ceux qui pensent qu’on ne change pas
le monde à coup de livres mais à coups de pavés dans
la rue… trouveront futile notre désir de faire revivre la bibliothèque
anarchiste La Rue. Ceux-là oublient trop vite que dans l’ambiance
feutrée des cabinets de lecture, les mots nous ouvrent de nouveaux
horizons… quand le passé (tant par ses expériences réussies
que par ses révolutions vaincues) éclaire notre compréhension
du présent… quand, forts de la lecture des écrivains d’hier
et d’aujourd’hui, nous construisons l’argumentation de notre pensée,
démontant celle du pouvoir en place et dénonçant ses
mensonges… quand, prenant du recul sur l’information partiale des médias,
nous pouvons conduire notre réflexion en échappant à
la culture dominante.
Culture dominante ? Sans aucun doute, «
les intellectuels se recrutent dans les rangs de la caste dominante ou
de ceux qui inspirent à s’y insérer », répond
Jean Dubuffet. Asphyxiante culture ? « Ce ne sont pas des écrivains
ni des artistes que la classe possédante, à la faveur de
sa propagande culturelle, entend susciter, c’est des lecteurs et des admirateurs
». À l’époque où les artistes, les écrivains
et les « penseurs », ceux invités sur les plateaux
de télévision prônent une culture de la compétition
et de la soumission, nous, qui souhaitons une autre culture, sans hiérarchie,
accessible à tous et faite par tous, gardons-nous d’idolâtrer
ces « œuvres d’art » qu’on nous présente comme «
notre patrimoine culturel ». Sachons apprécier sans révérer.
Nous ne saurions évidemment nous contenter
d’un art et d’une culture homologués par le ministère de
la culture, véritable « police de la culture ». Nous
devons refuser d’être passifs en nous laissant aller à l’inculture,
celle-là même qui nous ferait répéter les erreurs
du passé : « la position féconde est en définitive
celle de refus et de contestation de la culture plutôt que celle
de simple inculture ». Seule une contre-culture, contestataire, subversive,
démystificatrice, détachée des mécanismes du
pouvoir et du commerce et non réservée à un cercle
d’initiés, nous permettra de lutter contre le conditionnement culturel.
C’est dans cet état d’esprit que nous
avons rouvert la bibliothèque. Vous pourrez y emprunter, parmi ses
450 livres environ (livres, brochures, revues…), des ouvrages sur les anarchistes
(leur pensée, leur mouvement, leur vie…), l’histoire des luttes
sociales et des révolutions, les luttes féministes… des réflexions
sur l’actualité, des romans (Vallès, Mirbeau, Darien, Poulaille…),
de la poésie… et y consulter la fameuse Encyclopédie anarchiste
en quatre volumes éditée sous la direction de Sébastien
Faure, dans les années trente… De ce lieu de culture, de documentation
et d’information, ouvert et accessible à tous (et donc gratuit),
nous voulons faire un lieu de rencontre, de discussion, de débat
: en bref, un lieu de culture vivant(e).