Banlieues : concentrés de précarité...
Petites devinettes… Dans notre douce
France, où trouve-t-on le plus grand nombre de Rmistes ? Où
bat-on des records toutes catégories (femmes, hommes, jeunes, vieux,
courte ou longue durée) de chômage ? Où voit-on la
plus grande proportion, dans la population active, de smicards, d’emplois
sous-payés et sous-qualifiés ? Où découvre-t-on
le plus de petits boulots, de travailleurs intérimaires, de contrats
à durée déterminée, de CES, d’emplois-jeunes,
où dénombre-t-on le plus de familles en difficulté,
avec loyers en retard et factures impayées, surendettées
et guettées par les huissiers vautours ? Où y a-t-il le maximum
d’échecs scolaires, de jeunes sortant du système éducatif
sans aucune qualification ? Où rencontre-t-on le plus de racisme,
de rafles, de contrôles d’identité, de chasse au faciès,
de délits de sale gueule ? Inutile d’aller compulser un atlas et
de chercher quelle ville, quel département ou quelle région
est le ou la gagnante de ce « Questions pour des perdants »
! La réponse est : partout où sont implantées des
banlieues, des cités… Ces lieux, véritables concentrés
de la précarité, dessinent ainsi une géographie de
la misère et des lendemains incertains…
Le non-dit
Et pourtant on en parle des quartiers, ça
fait même parfois la une des journaux, mais c’est toujours dans le
sensationnalisme, pour exciter le bon peuple, faire peur et titiller la
fibre sécuritaire… Les « sauvageons », la délinquance,
les incivilités, les dégradations, toujours la même
chose, racontée sur le mode intemporel et détaché
des causes, comme si ce qui s’y passe tombait du ciel et venait de l’air
du temps ! Il ne faudrait que s’indigner et condamner, sans chercher à
savoir et à comprendre comment on en est arrivé là…
Alors que ce n’est que le résultat de politiques macro-économiques
menées depuis des décennies par un capitalisme et une bourgeoisie
d’État.
Les
mêmes qui, après avoir chassé les classes populaires
des centre-villes, les ont déportées dans des cités
dortoirs construites au rabais, et qui maintenant, après avoir organisé
leur paupérisation, s’étonnent qu’il y ait des problèmes
! Comment pourrait-il ne pas y en avoir, quand des barres de béton
bouchent, au propre comme au figuré, l’horizon et l’avenir d’une
jeunesse qui a vu ses parents considérés comme du bétail
humain, qu’on utilise ou qu’on rejette au gré des besoins. Qui raconte
les galères, les rejets, les difficultés quotidiennes, le
racisme ambiant ? Qui rappelle ce qu’est la réalité économique
des banlieues, le chômage endémique, l’isolement, la misère
sociale, culturelle voire affective ? Qui souligne le gouffre qui sépare
les jeunes des modèles qu’on leur impose via la publicité
ou l’idéologie diffusées par les médias ?
La politique de l’esbroufe
Pour remédier à cette situation,
l’État mène ce qu’il appelle depuis plusieurs années
« La politique de la ville ». Du Développement Social
des Quartiers, en passant par les ZEP, sans oublier les polices de proximité
et autres îlotages, il en a fait des choses, mais force est de constater
que l’on est plutôt dans le registre de la cautère sur une
jambe de bois… Du moins pour le social, parce que pour le répressif,
ça baigne : le quadrillage de la population se renforce, les plans,
les contrats locaux de sécurité se mettent en place. On recrute
massivement des agents de sécurité (moins chers que des flics
titulaires et… précaires, il n’y a pas de petites économies),
les polices municipales, qu’on fait mine de brider, se multiplient dans
les communes. Chose curieuse, on trouve de l’argent pour les créer,
alors que pour le reste (emplois sociaux utiles etc.), c’est dur ! Quant
au malaise des cités, on répare les ascenseurs, on repeint
les cages d’escalier et on ravale les façades. C’est certainement
nécessaire, bien qu’on soit en droit de se demander s’il ne vaudrait
pas mieux tout raser, et refaire autre chose. Mais pour les gens qui y
habitent, que fait-on ? Les assistants sociaux, les animateurs, les éducateurs,
peuvent-ils leur trouver un vrai travail, de quoi vivre décemment
et non de la « charité publique » ?
Ce n’est certes pas la création
des zones franches qui est la solution miracle, au contraire. Lieux de
non droits sociaux, ce n’est pas avec elles qu’on va en finir avec les
petits boulots, les CDD etc. en un mot, la précarité. En
cela aussi, les banlieues sont bien des figures emblématiques du
monde qui se concocte dans les hautes sphères. À nous de
ne pas laisser faire ! Aux luttes sociales et à leurs objectifs,
il ne faut pas oublier de rajouter la réappropriation des espaces
urbains.
Eric Gava — groupe de Rouen