De la protection sociale des précaires
à la précarisation
de la protection sociale (1)
Aujourd’hui ce sont 150 000 personnes qui
n’ont strictement aucune assurance et 9 millions qui ne dispose pas de
complémentaire faute de moyen (50 % de ces gens vivent dans des
foyers disposant de moins de 8 000 F net par mois, prestations sociales
comprises).
Ces personnes, auxquelles s’ajoutent des
millions d’autres pourtant assurées se rationnent en omettant de
consulter un médecin ou d’acheter les médicaments prescrits.
Leurs besoins en matière de logement ou de recherche d’emploi sont
prioritaires par rapport à leur besoin de santé.
Vers une protection sociale à deux
vitesses
C’est en s’appuyant sur ce constat que les
pouvoirs publics ont mis en place de la Couverture Maladie Universelle
(CMU). À compter du 1er janvier, 5 à 6 millions de prolétaires
vivant un peu en dessous du seuil de pauvreté vont en bénéficier.
Le budget prévu est de 8 à 9 milliards de francs, c’est-à-dire
moins que les 9 milliards que l’État dépensait via les conseils
généraux au titre de l’aide médicale gratuite qui
va disparaître.
C’est la CNAM dont on nous rabâche
à longueur d’année qu’elle est déficitaire qui va
payer. Les assurances et les mutuelles pour lesquelles les portes de la
sécu s’entrouvrent seront mises à contribution à hauteur
de 1,75 milliard chacune sommes qu’elles s’empressent de nous faire
payer sous le vocable de « taxe parafiscale de contribution à
la CMU ». L’État ne donnera plus que 1,7 milliards. Il redistribuera
ses 7,3 milliards d’économie au financement par exemple des contrats
locaux de sécurité destinés à mater ces mêmes
précaires.
Au final, cette fameuse couverture universelle
est censée assurer un complément santé à deux
fois plus de personne que n’en couvrait l’aide médicale et ce pour
le même budget. Au passage, 3 à 4 millions de personnes resteront
sans complémentaire.
Cerise sur le gâteau, une contribution
obligatoire sera demandée aux ayants droit les moins pauvres. On
peut également noter que la CMU ne couvre que le ticket modérateur
donc exit les soins dentaires, d’optique et tout ce qui est jugé
« de confort ».
Dans un système capitaliste, l’universalité
signifie la socialisation de la misère et la privatisation des richesses.
Il suffit de regarder ce que cela a donné outre-Manche : faillite
de la protection sociale, déliquescence du système de santé
se traduisant par des mois d’attente pour accéder aux hôpitaux…
sauf quand on peut payer et alors là ce sont les cliniques privées
qui se frottent les mains.
En France, cette logique s’est doucement
installée. On a commencé par faire un ciblage des populations
bénéficiaires des prestations par la mise sous condition
de ressources, par la création de revenus minimum… Petit à
petit, une logique assistancielle attachée à la survie des
bénéficiaires s’est mise en place sous couvert de répondre
à l’urgence des situations pourtant créer sciemment par les
décideurs et leurs politiques économiques. On est passé
doucement de la notion d’égalité à celle d’équité,
c’est-à-dire de la solidarité à la charité.
Il ne nous manque plus que le revenu minimum universel et le principe de
la misère pour tous sera la norme.
Non à la privatisation de la sécu
La montée de la précarité
se traduit également par la précarisation de la protection
sociale. Le chômage a permis aux différents gouvernements
d’exonérer massivement de cotisations sociales les patrons sur le
travail à temps partiel et les bas salaires (15 milliards par an).
Outre les différents impayés patronaux et étatiques
(30 milliards par an), le chômage de masse prive nos caisses d’assurances
sociales de 200 milliards.
L’asphyxie budgétaire de la sécurité
sociale est froidement organisée pour livrer ce fruit d’un siècle
de luttes ouvrières aux charognards de la Mutualité Française
et des compagnies d’assurances privées. En effet, la qualité
des prestations ne cesse de se dégrader : hausse du ticket modérateur
et du forfait hospitalier, déclassement de certains médicaments
et actes…
La fiscalisation du financement (CSG)
et l’étatisation de la sécu accélère le mouvement.
Il en résulte que les salariés sont poussés à
se retourner vers le privé pour pouvoir s’assurer des soins de qualité
et des retraites convenables.
Si une hypothétique fronde ouvrière
n’y met pas fin, la logique ira jusqu’à son terme. L’universalité
misérable pour les plus pauvres, une protection sociale de qualité
variable et fonction des revenus pour les autres. Et toujours, le meilleur
pour les riches.
H.F. — groupe La Sociale, (Montpellier)
(1) la protection sociale n’est volontairement
traité ici que pour son volet « santé ».