De l’entreprise à l’école, à
« l’école entreprise »
Après le « zéro défaut
» à la japonaise d’Allègre, voici les « audits
au collège » de Ségolene Royale qui seront expérimentés
à partir de la rentrée 2 000. La gauche n’invente donc rien
en matière de politique d’entreprise. Cette nouvelle forme d’évaluation
globale des établissements scolaires vise à mettre la pression
sur l’ensemble du personnel. Lequel, d’abord soumis aux diagnostics des
spécialistes, devra se fixer des objectifs à atteindre, notamment
en ce qui concerne les résultats au brevet. Derrière cette
« contractualisation », émerge en fait la volonté
de faire assumer aux personnels la faillite du système éducatif,
sans doute pour mieux pouvoir les gruger ensuite. En piochant encore dans
l’arsenal des méthodes en vogue dans le privé, le gouvernement
se donne les moyens d’une libéralisation rapide de l’enseignement.
On ne tardera sans doute pas à imposer des opérations de
fusion-participation d’établissements scolaires, voir la cotation
des lycées en Bourse !
Un marché juteux
Bernard Tapie que les gouvernants connaissent
bien, sait qu’avant de revendre une boîte, il faut la rendre performante.
C’est pourquoi la rentabilisation de l’éducation qui passe par la
régionalisation des filières, l’allégement des programmes,
le sponsoring, les statuts précaires, doit être menée
par l’Etat. Cette « modernisation » doit la privatisation pure
et simple. D’autant que ces transformations peuvent rencontrer des résistances
et que la gauche au pouvoir reste la mieux placée pour faire avaler
la pilule.
Cela fait maintenant plus d’une vingtaine
d’années que les différents gouvernements préparent
le terrain. La conquête de ce nouveau marché est déjà
bien entamée. Les capitalistes se font de plus en plus pressants
d’investir l’enseignement, prévoyant des profits juteux. Ce sont,
par exemple les milliards de francs qui sont dépensés pour
la dotation des établissements scolaires en informatique (voir ML
n°1179 « l’OMC lorgne sur l’école ». De manière
plus sournoise certaines entreprises cherchent à imposer leur présence
sur les lieux scolaires pour maintenir un contact privilégié
avec une clientèle particulièrement bien ciblée qu’il
faut à tout prix convaincre pour l’avenir : les enfants, en tant
que futurs consommateurs.
Ceux ci sont donc les premières
victimes du système, avec des savoirs bradés, le gavage de
valeurs capitalistes, une citoyenneté étriquée. Ils
devront avant tout admettre le sort qui leur est réservé,
naviguer à vue entre les périodes de chômage et de
sous-emploi. La multiplication des sous-statuts dans l’éducation,
premier pas vers une hiérarchisation et une mise au pas des personnels
entérine l’adaptation de l’école à son environnement
immédiat. À la souplesse des horaires de travail doit répondre
une flexibilité des horaires scolaires. L’école au centre
des préoccupations, lieu ou se focalisent les tensions et les problèmes
sociaux ne peut de toute façon pas échapper à la précarisation.
Ne courbons pas l’échine !
L’école représente cependant
un potentiel particulier puisqu’elle peut permettre de fédérer
dans une même lutte les parents (investis dans des activités
professionnelles variées), les divers personnels enseignants et
d’encadrement, et les élèves (qui restent les plus mobilisés).
De nombreux facteurs de blocage existent, qui freinent le développement
de telles luttes. À la politique de division et de sectorisation
menée par le gouvernement vient s’ajouter l’apathie syndicale qui
ne cesse guère qu’à l’occasion des négociations sur
la carte scolaire ou pour les élections professionnelles. Même
les mouvements lycéens pourtant difficiles à contrôler
semblent aujourd’hui contenus par la gauche plurielle et ses puissants
relais dans l’éducation.
Cependant face à une situation
globale qui se dégrade, à des luttes locales de plus en plus
déterminées, l’État aura de plus en plus de mal à
contenir une colère qui, si elle débouche sur une forte mobilisation,
peut faire fléchir n’importe quel gouvernement.
Le cancre