Projet de réforme de Guigou
Justice de classe contre justice sociale !
Depuis des lustres, la gauche socialiste nous
assène à chaque élection qu’il faut leur faire confiance
pour procéder aux changements nécessaires. Aujourd’hui encore,
« Changer la vie » reste le slogan le plus utilisé par
la propagande socialiste sans que nous ayons plus d’éclaircissement
sur le contenu de ce changement tant de fois annoncée.
Heureusement le XXIe congrès de
l’Internationale socialiste réunit à Paris aura permis de
nous éclairer utilement sur ces quelques mots qui ont mis tant d’espoirs
et illusions dans l’imaginaire de ce qu’il est convenu d’appeler «
le peuple de gauche ». Jospin lui-même dans une contribution
remarquable à la tribune du congrès nous a tout expliqué.
Il ne s’agit pas de « changer de société mais de changer
la société ». Chacun comprendra l’importance de la
nuance alors que l’ambition historique de la social-démocratie a
toujours été d’arriver à un changement total de société
par le biais de réformes successives.
Plus significatif encore est son affirmation
du fait « qu’en ce qui concerne la création de richesses et
l’allocation de ressources, la supériorité du marché
sur la planification s’est montrée incontestable » et en conséquence
il définit la fonction des socialistes comme devant être ceux
qui doivent êtres capables « de penser le capitalisme, pour
le contester, le maîtriser et le réformer ».
La déclaration de Paris signé
par les 143 partis membres de l’Internationale Socialiste ne dit pas autre
chose dans des formules creuses, histoires de jouer sur la corde sensible
de l’unité dans la pluralité de tous les socialistes du monde.
Et il est vrai que la présence de 11 Premiers ministres en titre,
suivi par nombres d’ex et une ribambelle de « décideurs »
ne peut que nous faire mieux percevoir l’importance et le poids de cette
internationale sur le cours de la politique mondiale.
La paix sociale ne s’achète pas
Les socialistes en se posant comme les garants
d’un marché en quelque sorte humanisé rencontre sans doute
un écho favorable auprès de trusts planétaires désireux
d’agir dans un climat garantissant une certaine paix sociale assurant la
rentabilité d’investissements coûteux en recherches et marketing.
Reste que cette stratégie ne peut faire illusion longtemps. Nous
n’allons pas vers plus de justice sociale. Au contraire. Toutes les analyses
économiques nous vantent actuellement les bienfaits de l’économie
de marché, mais occultent le fait que les inégalités
s’accroissent entre riches et pauvres, ici comme partout sur la planète.
Pour plus de détails, nous vous renvoyons au supplément sur
la précarité qui accompagne ce numéro du Monde libertaire.
Ce qui nous apparaît comme catastrophique
est le fait que les États et le capitalisme ont lancé une
offensive de grande envergure visant à renouveler les conditions
d’une soumission permanente des classes laborieuses. C’est comme s’il s’agissait
pour eux d’exorciser à jamais la hantise d’un mouvement social à
caractère révolutionnaire. Plus jamais le communisme semble
être leur credo.
Le problème est qu’il n’est pas
suffisant de précariser, de policer et de soumettre une population
pour garantir une pacification permanente.
La révolte et la contestation de
l’ordre capitaliste naissent de l’existence même de rapports sociaux
de production basés sur l’exploitation et la domination. Et toute
l’histoire de l’humanité prouve que tout système oppresseur
finit par être contesté. Plus il est violent plus dur sera
la révolte.
Les socialistes, en s’affirmant de plus
en plus ouvertement pour ce qu’ils sont, des collaborateurs zélés
de l’ordre capitaliste s’exposent à un retour de manivelle plutôt
sévère. Tant pis pour eux. Affirmer cela peut sans doute
faire sourire alors que tout semble aller pour le mieux du côté
des classes dirigeantes et que la résistance populaire semble n’avoir
prise sur pas grand-chose. Pour ce qui nous concerne nous prenons date.
De la création de l’ordre dans l’humanité
Nous savons, depuis Proudhon et quelques autres
que les êtres humains aspirent à la création de la
justice dans leurs relations et c’est cela qui finit toujours par inspiré
leurs actions collectives lorsque des révoltes ou des révolutions
se fomentent. Les socialistes eux se contentent de concocter quelques nouvelles
lois pour toiletter ce qu’ils appellent la justice et que nous appelons
la trique, celle qui veut nous imposer un ordre, un code pénal et
obtenir notre soumission. Les réformes proposées par Guigou
n’ont comme fondement que la peur des classes bourgeoises face aux actes
de révoltes individuelles qu’ils appellent « incivilité
» ou « petite délinquance ».
Le nombre de prisonniers s’accroît
vite, aussi vite que se répandent la misère et la précarité.
Les peines prononcés par les tribunaux ont augmenté d’un
tiers en dix ans et l’on s’entasse dans les cellules des prisons. Par ailleurs
des « scandales » montrent du doigt à peu près
tous les dirigeants importants des partis. Il était donc temps pour
« nos » socialistes de montrer combien ils sont réformateurs.
La réforme de la justice qu’ils
proposent vise à accroître la productivité des tribunaux
pour le tout venant sous prétexte de garantir le droit à
la défense. Dans le même mouvement et plus discrètement
ils vont rogner quelque peu le pouvoir des juges à mettre en examen
l’élite de la nation. D’une pierre deux coups. Et la démocratie
avance concluront-ils. Vers sa chute ajouterons-nous !
Bernard. groupe Déjacque (Lyon)